L’Humanité - 3 août 1998

La métropole du Languedoc-Roussillon, capitale éphémère de l’espéranto

Du 1er au 8 août se déroule à Montpellier le 83e congrès d’espéranto. Venus de soixante-dix pays, plus de trois mille délégués vont débattre de nombreux thèmes, parmi lesquels la Méditerranée, carrefour des cultures.

Correspondance particulière.

Montpellier a été l’une des villes organisatrices du Mondial de football. Ce fut une belle fête de fraternité et d’échanges entre jeunes de diverses nationalités. Dans la foulée, la cité languedocienne accueille le mondial de l’espéranto. Une suite intéressante.

La 83e édition de cette rencontre universelle s’y déroule du 1er au 8 août. Plus de trois mille citoyens du monde en provenance de soixante-dix pays vont communiquer en espéranto pendant une semaine pour échanger, se cultiver, s’amuser, visiter et profiter des charmes de la région. La journée de samedi a été consacrée à l’accueil des congressistes. La cérémonie inaugurale avait lieu hier, en présence notamment de Georges Frèche, député et maire de Montpellier, et de François Liberti, député et maire de Sète. La journée a été ponctuée de forums et de conférences, elle s’est conclue par une soirée occitane offerte par la municipalité.

Mais l’espéranto qu’ès-aquo ? C’est une langue lancée il y a un peu plus d’un siècle par un médecin polonais, le docteur Zamenhof. Une langue qui favorise la diffusion de toutes les cultures mais qui n’appartient à aucun peuple en particulier. Vivante et capable d’exprimer toutes les nuances de la pensée, facile à apprendre et à utiliser, rapidement mémorisable, bref, la deuxième langue idéale de tout individu après sa langue maternelle, disent les fervents partisans de l’espéranto.

Un comité d’honneur a été constitué pour ce congrès composé notamment de Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, Guy Béart, compositeur-interprète, Georges Frêche, député et maire de Montpellier, Albert Jacquard, responsable du département de génétique à l’INED, Théodore Monod membre de l’Académie des sciences… Pendant huit jours au Corum (palais des congrès), les congressistes vont participer à une foison de conférences, rencontres, débats, et qu’ils soient russes, cubains, allemands, espagnols ou togolais, ils vont tous se parler sans interprète. Ils seront tous sur le même pied d’égalité, il n’y aura pas de langue hégémonique.

Ugo, vingt-cinq ans, habite Vannes, dans le Morbihan. Espérantiste depuis un peu plus d’un an, il affirme :

"C’est une langue auxiliaire, c’est-à-dire qu’elle existe aux côtés des langues régionales et nationales, sans aucune volonté hégémonique de remplacer telle ou telle langue, bien au contraire. Elle protège toutes les langues, c’est une langue neutre internationale."

Jean-Pierre Boulet est président de l’Espéranto Centre France, association qui rayonne sur neuf départements, il a été chargé d’enseignement l’espéranto à l’université de Clermont-Ferrand pendant six ans, il a commencé à étudier cette langue dans les années soixante. Il reste réaliste :

"Espérer que tout le monde va parler l’espéranto c’est utopique, mais en attendant, grâce à l’espéranto, on peut développer sa culture et sa vision du monde, dans ce cas, il faut le pratiquer soit par la correspondance soit par la lecture d’ouvrages, ou encore par l’écoute de radios qui diffusent des émissions dans cette langue comme la radio polonaise, la chinoise ou la cubaine, soit par des congrès ou encore en invitant chez soi des espérantistes étrangers".

Pour Ricardo Salazar Crespo, professeur de biologie venu de Cuba, c’est l’occasion de parler de son pays et d’évoquer le besoin de solidarité. A Cuba, il y a des milliers d’espérantistes et certaines écoles enseignent l’espéranto. Radio-Havana diffuse chaque dimanche en ondes courtes des émissions en espéranto. Ricardo attend de ce congrès

"un renforcement de la fraternité entre les hommes des différentes parties du monde. Les gens prennent conscience de la nécessité de s’unir plutôt que de se diviser, et l’espéranto peut y contribuer".

Ce lundi, de nombreuses conférences vont jalonner la journée sur des thèmes très divers : "la littérature occitane", "le spiritisme", "les Cathares", "la communication interculturelle"… journée qui s’achèvera par un concert rock et une pièce de théâtre.

ELOY MARTINEZ