La France se dote d’un ministère de l’a-culture

Publié le lundi 9 août 2004 par admin_sat

Monsieur le Ministre,

Sur France Inter, le lundi 15 mars, lors de l’émission "Alter ego" de Patricia Martin, vous avez cru bon de devoir piétiner l’espéranto lorsqu’un auditeur a plaidé en faveur de cette langue comme vecteur civilisant. Cet auditeur n’a pas eu la possibilité de répondre à l’argumentation par laquelle vous avez voulu tordre le cou à cette langue que bien des régimes, pas seulement totalitaires, ont considéré comme "dangereuse" du fait qu’elle contrariait leurs visées les moins avouables. Je me permettrai donc de faire part de mon propre sentiment basé sur 34 ans d’expérience :

"je crois d’ailleurs ne pas faire preuve de grande originalité en vous répondant de cette façon qu’une langue ne peut pas être décrétée de façon artificielle".

C’est précisément là que la confusion est grave, car le véritable nom d’origine de l’espéranto est en fait "Langue Internationale". Sa vocation n’est donc en aucune façon de supplanter une langue nationale ou ethnique où que ce soit. Aucune autre n’a été conçue pour jouer ce rôle très spécifique de langue-pont. Aucune langue nationale ou ethnique, forcément liée à un espace géographique, à une culture, à une façon de penser et de voir le monde, incitant "à tirer la couverture à soi" (ce que font les gouvernements étasunien et britannique), ne convient pour ce rôle. Son rôle essentiel est celui de pont entre les langues et les cultures. L’espéranto n’a jamais eu pour vocation d’être décrété comme langue de tel ou tel territoire défini, de tel ou tel pays à la place de sa ou de ses langue(s). Son rôle a été présenté ainsi en 1905 dans la Déclaration de Boulogne-sur-Mer (dont l’anniversaire sera fêté l’année prochaine à l’occasion d’un congrès réunissant les diverses associations d’espéranto de France) :
"L’espérantisme est l’effort pour répandre dans le monde entier l’usage d’une langue humaine neutre qui, sans s’immiscer dans les affaires intérieures des peuples et sans viser le moins du monde à éliminer les langues nationales existantes, donnerait aux hommes des diverses nations la possibilité de se comprendre ; qui pourrait servir de langue de conciliation au sein des institutions des pays où diverses nationalités sont en conflit linguistique ; et dans laquelle pourraient être publiées les oeuvres qui ont un égal intérêt pour tous les peuples. Toute autre idée ou aspiration que tel ou tel espérantiste associe à l’espérantisme est son affaire purement privée, dont l’espérantisme n’est pas responsable."
Nous voyons très bien aujourd’hui où mène l’absence d’une langue internationale conçue pour jouer ce rôle : c’est une langue NATIONALE, qui n’est pas neutre, derrière laquelle se trouvent des puissances et des groupes d’intérêts immenses, qui s’impose sur la scène mondiale, et ceci à l’encontre des principes d’égalité des chances, de la démocratie et même des droits de l’homme dont l’anniversaire fut pourtant fêté avec force discours ! Cette même question exigerait à elle seule de longs développements, par exemple à propos de la fuite des cerveaux que l’anglais draine en premier lieu, inévitablement, vers le pays le plus avantagé, ce qui a pour effet d’accroître son avantage. Faites établir par vos services la liste par pays des prix Nobel pour la porter à la connaissance des citoyens qui ne jurent que par l’anglais.

"Une langue c’est une histoire, c’est l’expérience de nombreuses générations, c’est une élaboration très subtile, très complexe, d’une grammaire, d’un vocabulaire, d’une syntaxe."

Ces propos, qui vont finalement dans le sens de l’espéranto, montrent surtout des lacunes dans la culture générale d’un ministre de la Culture. Elles démontrent la superficialité de ses connaissances en matière d’espéranto.
En effet, l’espéranto existe depuis bientôt 117 ans, ce qui représente déjà pas mal de générations. C’est déjà un bon bout d’histoire et même plus : "J’ai étudié la grammaire de l’espéranto — ça ne veut pas dire que j’ai appris à le parler — et j’ai constaté que c’est une langue construite avec intelligence et qui a une histoire très belle." (prof. Umberto Eco).
A propos d’"élaboration très subtile", Zamenhof a eu très précisément le génie de ne pas avoir voulu proposer une langue toute faite. Avec moins de mille radicaux et affixes, son premier manuel, d’une quarantaine de pages seulement, était en fait l’élément minimal à partir duquel la langue devait évoluer à la façon des autres ; en jardinage et en horticulture, ce qu’il a fait est comparable à une bouture, une tige herbacée ou ligneuse que l’on plante en terre et qui devient ensuite une plante, voire même un arbre mais qui, abandonnée sur un terrain défavorable ou sur de la roche, se dessécherait. Or, malgré un environnement qui lui a été souvent très défavorable, voire hostile, la bouture "espéranto" a pris.
Quant aux aspects de la langue, Umberto Eco a su les découvrir : "Du point de vue linguistique, elle suit vraiment des critères d’économie et d’efficacité qui sont admirables." (Paris Première, 27.02.1996, avec Paul Amar). Mais ça, ça ne se découvre pas à partir du ouï-dire...
La richesse du vocabulaire de l’espéranto ne se trouve pas dans le nombre d’entrées (16 780 pour 46 890 éléments lexicaux) mais dans le nombre incalculable de combinaisons possibles permettant une grande finesse de nuances.
L’éminent professeur André Martinet, qui a longuement travaillé dans le domaine de l’interlinguistique (science des langues construites) a écrit à propos de l’anglais et du français, dans "Le français sans fard" (1974) : "Il est certain que, du fait de la possibilité de combiner plus librement les unités de sens, une personne qui connaît bien les 3000 mots les plus fréquents de la langue anglaise verra ses besoins communicatifs mieux satisfaits que celui qui pratique, avec une égale aisance, les 3000 homologues français."
Or, la possibilité de combiner les unités de sens est beaucoup plus élevée en espéranto qu’en anglais (indice d’agglutination de 0,30 pour l’anglais si l’on considère l’espéranto comme étalon avec 1), comme l’a montré le professeur John C. Wells (University College London) dans "Lingvaj aspektoj de esperanto" . Il semble utile de préciser que le professeur John C. Wells est l’un des plus éminents spécialistes de la phonologie de la langue anglaise. Auteur d’un ouvrage magistral intitulé "The accents of English", très connu aussi dans le monde espérantophone pour avoir rédigé des ouvrages sur l’espéranto et même un dictionnaire espéranto-anglais/anglais-espéranto (Teach Yourself Books), il a été président de l’Universala Esperanto-Asocio.
Enfin, l’espéranto n’a absolument rien a envier aux autre langues actuellement enseignées sur le plan de la souplesse syntaxique qui permet, dans les traductions, le plus grand respect de l’ordre des mots là où le français et l’anglais sont d’une très grande rigidité.

Il est nécessaire de préciser que le professeur Umberto Eco a lui aussi longtemps considéré l’espéranto comme ne devant pas être pris en... considération. Or, il a reconnu son erreur de jugement dans la revue "Esperanto" (Rotterdam, janvier 1993) : "Mais je dois dire que, dès que pour des raisons scientifiques j’ai commencé à m’occuper un peu de l’espéranto, j’ai changé d’avis et adopté une attitude plus souple." De telles évolutions ne sont pas rares dans l’histoire de l’espéranto. C’est après avoir observé son fonctionnement sur le terrain, lors du congrès universel d’espéranto de Prague, en 1921, qu’ Inazô Nitobe, membre de l’Académie impériale du Japon, secrétaire général adjoint de la Société des Nations, préconisa de le promouvoir. C’est aussi à Prague, plus récemment, dans les mêmes circonstances, que le professeur Robert Phillipson, auteur de "Linguistic Imperialism" (Oxford University Press, 1992) et de "English-Only Europe ?" (Routledge, Londres. 2003), a reconnu : "Le cynisme à l’encontre de l’espéranto a fait partie de notre éducation". René Étiemble fut aussi un adversaire de l’espéranto jusqu’au jour où il en reconnut le bien fondé. Auteur de "La mise en place des monopoles du savoir" (L’Harmattan), dans lequel il utilise le mot "espéranto" dans un contexte dévalorisant, Charles Xavier Durand a lui-même porté par la suite un regard tout à fait différent sur la langue dès qu’il a voulu, autrement que par des intermédiaires, se rendre compte par lui-même de ce qu’il en était et ne plus se fier aux idées reçues qui lui avaient été inculquées comme à la plupart des élèves et des étudiants.

"et je crois qu’on peut pas décréter une langue de toutes pièces"

Entre décréter et passer sous silence, priver d’information, limiter la réflexion et le débat démocratique, il y a une différence très notable.

A propos de "diversité culturelle", nous voyons déjà celle qui a cours sur les ondes de la radio nationale où, en dehors du français, les chances d’entendre des chansons en des langues autres que l’anglais sont quasiment nulles. Belle illustration de "L’unité dans la diversité" qui est la devise de l’Europe !

"Quand on lit un texte en espéranto, on voit bien que c’est certes très sympathique,"
En réécoutant l’enregistrement de l’entretien, une hésitation fait apparaître que vous n’avez jamais "lu" un texte en espéranto mais que vous avez tout au plus "vu" un texte en espéranto. Vous ne pouvez certainement pas vous poser en expert de la question, pas plus que si vous n’avez que vu des textes en swahili ou en mongol.

"cette idée de donner au monde entier une langue qui permettrait enfin, finalement, de revenir sur la tour de Babel et de nier l’histoire"

L’idée de "nier l’histoire" ne se trouve pas dans la tête des usagers de l’espéranto mais dans celle d’un ministre qui ne sait de l’espéranto qu’un peu plus que rien. L’histoire de l’espéranto est tellement imbriquée dans l’histoire des langues et de l’humanité qu’il n’est pas dans l’intérêt de la communauté espérantophone de la nier ou de l’oublier, bien a contraire, et à plus forte raison quand certains osent affirmer que l’espéranto n’a pas d’histoire.

"mais cette histoire, elle est une réalité très forte, cette histoire elle n’a pas fait qu’opposer les hommes les uns aux
autres, les pays les uns aux autres, les civilisations les unes aux autres, cette histoire elle nous a également enrichis.
"

En s’inscrivant lui-même dans le contexte historique, l’espéranto va tout à fait dans le sens de cet enrichissement, il l’accompagne et le devance même. L’idée d’union européenne était déjà dans la tête du Dr Zamenhof dans son "Appel aux Diplomates" de 1915. Mais que sait le ministre de la Culture de cet appel ? La culture consiste-t-elle à traiter ce que l’on ne connaît pas avec condescendance ? A répéter ce que d’autres, qui n’en savaient pas plus, ont déjà dit ? La culture exclut-elle une recherche personnelle du vrai et du faux ?

"Que serait la littérature universelle si elle n’était pas faite d’une addition de littératures particulières ?"

Des littératures particulières que l’espéranto rend précisément accessibles à des gens de toutes conditions sociales, mieux que ne pourraient le faire des langues dont la maîtrise exige beaucoup plus, beaucoup trop, de temps, d’efforts, voire de moyens financiers : "Si l’apprentissage des langues étrangères est poussé à fond de manière à profiter à l’esprit, il demande un temps immense. S’il est superficiel, il n’apporte rien à la culture intellectuelle", écrivait Antoine Meillet dès 1918 dans "Les langues dans l’Europe nouvelle".
L’espéranto fait de la culture une affaire qui n’est pas réservée à une élite. Il est douteux que les ministres de la culture, et de l’éducation nationale aussi, d’ailleurs, qui ont regardé l’espéranto avec condescendance, étaient capables de lire des oeuvres étrangères "dans le texte", autrement que par des traductions. En ce domaine, l’espéranto s’est montré maintes fois supérieur par la qualité et la fidélité des traductions qu’il permet, et aussi par l’accessibilité.

"Si la France s’engage autant sur la scène internationale, sur la scène européenne également, sur le principe de la défense de la diversité culturelle, c’est bien parce que nous pensons, nous savons, que la culture universelle n’a qu’à s’enrichir de la pérennité, de la vitalité des cultures particulières."

L’espéranto fait la même chose et même plus : grâce à lui, les peuples ont à leur portée l’instrument grâce auquel ils auront le sentiment d’appartenance à une même communauté humaine : hommes d’abord, ensuite citoyens de tel ou tel pays, habitants de telle ou telle région ou province ou cité, etc. Les événements actuels ne démontrent-ils pas que c’est très précisément ce dont le monde d’aujourd’hui a besoin ?

"Donc je crois que, plutôt que de tenter de promouvoir de façon un peu artificielle à mes yeux, une sorte de langue parfaite qui réunirait tous les hommes, en tout cas prétendrait réunir tous les hommes, il vaut mieux défendre le principe de la pluralité, du pluralisme linguistique, y compris dans l’espace européen, faire en sorte par exemple que dans l’espace européen, on ne consente pas à l’affirmation de plus en plus fréquente d’une langue unique, d’une langue d’usage unique, mais qu’on affirme bien l’excellence du principe de la diversité linguistique."

Pour ce qui est du "principe de la pluralité, du pluralisme linguistique", il existe des documents éloquents, entre autres les rapports Legendre (n° 73 de 1995-1996 et n° 63 de 2003-2004) et une énorme quantité d’articles de presse qui ne cessent de confirmer la débâcle des langues face à l’anglais, et ceci malgré des moyens financiers, matériels et humains croissants. Ce que l’écrivain François Cavanna avait prévu et exprimé dans un langage sans ambiguïté se réalise : "Vous n’avez pas voulu de l’espéranto ? Vous aurez l’anglais ! Bien fait pour vos gueules !". L’espagnol est la seule langue à tenir tête par le seul fait de son seul poids démographique. Tout examen du rôle possible de l’espéranto comme coupe-feu est entravé. L’émission de France Inter a été l’illustration même de la chape de plomb qui s’oppose au principe du droit à l’information sur une question aussi grave. L’auditeur n’a pas eu la possibilité de réfuter des propos qui ne visaient qu’à égarer les auditeurs et surtout à les disssuader de chercher à se faire une opinion par eux-mêmes. Heureusement, Internet donne aujourd’hui les moyens de savoir où sont le vrai et le faux à propos de l’espéranto. Sur Internet, le mot clé "esperanto" est en effet la clé d’un monde infiniment plus vaste, riche et diversifié que vous n’avez voulu le laisser entendre.

"Donc l’espéranto, c’est sympathique, mais je regrette de vous le dire aussi nettement, ça ne me convainc pas totalement parce que la langue en question est quand même une langue un peu sommaire, un peu pauvre,
une sorte de rapiéçage de langues, de morceaux de langues puisés ici et là, laissons les langues dans leur réalité historique s’épanouir, et faisons en sorte que chacun puisse finalement accéder au plus grand nombre de langues possibles.
"

Le terme méprisant de "rapiéçage" est éloquent en soi. Il illustre à la perfection le fond de votre pensée. Il fait apparaître un jugement a priori. Quant à la pauvreté et autres aspects, à ce type d’argumentation selon laquelle l’espéranto serait créé de toutes pièces, des linguistes et des philologues de grand renom y ont déjà répondu, voici même des décennies. Quel est le poids de l’argumentation d’un ministre face à ce que chacun peut vérifier à l’époque de la communication électronique ? Ceux qui ont tenté l’expérience "espéranto" en sont arrivés à une conclusion diamétralement opposée.

L’un des précurseurs de la science des significations, la sémantique, Michel Bréal, avait écrit : “Ce sont les idiomes existants qui, en se mêlant, fournissent l’étoffe [de l’espéranto]. Il ne faut pas faire les dédaigneux ; si nos yeux (…) pouvaient en un instant voir de quoi est faite la langue de Racine et de Pascal, ils apercevraient un amalgame tout pareil (…) Il ne s’agit pas, on le comprend bien, de déposséder personne, mais d’avoir une langue auxiliaire commune, c’est-à-dire à côté et en sus du parler indigène et national, un commun truchement volontairement et unanimement accepté par toutes les nations civilisées du globe.

Dans un ouvrage publié en 1918 sous le titre "Les langues dans l’Europe nouvelle", le linguiste Antoine Meillet en était lui aussi venu à cette conclusion qui allait dans le même sens : "La possibilité d’instituer une langue artificielle aisée à apprendre et le fait que cette langue est utilisable sont démontrés dans la pratique. Toute discussion théorique est vaine. L’espéranto a fonctionné, il lui manque seulement d’être entré dans l’usage pratique.
(...) Une langue est une institution sociale traditionnelle. La volonté de l’homme intervient sans cesse dans le langage. Le choix d’un parler commun tel que le français, l’anglais, ou l’allemand procède d’actes volontaires. Une langue comme “la langue du pays” norvégienne a été faite, sur la base de parlers norvégiens, par un choix arbitraire d’éléments, et ne représente aucun parler local défini. (…) Il n’est donc ni absurde ni excessif d’essayer de dégager des langues européennes l’élément commun qu’elles comprennent pour en faire une langue internationale.
"

Plus tard, un autre grand nom de la linguistique, Edward Sapir, écrivait dans l’Encyclopaedia of Social Sciences (1950, volume IX, page 168) : "La nécessité logique d’une langue internationale dans les temps modernes présente un étrange contraste avec l’indifférence et même l’opposition avec laquelle la majorité des hommes regarde son éventualité. Les tentatives effectuées jusqu’à maintenant pour résoudre le problème, parmi lesquelles l’espéranto a vraisemblablement atteint le plus haut degré de succès pratique, n’ont touché qu’une petite partie des peuples.
La résistance contre une langue internationale a peu de logique et de psychologie pour soi. L’artificialité supposée d’une langue comme l’espéranto, ou une des langues similaires qui ont été présentées, a été absurdement exagérée, car c’est une sobre vérité qu’il n’y a pratiquement rien de ces langues qui n’ait été pris dans le stock commun de mots et de formes qui ont graduellement évolué en Europe.
"

Linguiste, professeur de philologie à l’université de Columbia (New York) et auteur de plusieurs ouvrages dont une Histoire de la langue anglaise ; One Language for the World ; What’s in a Word ? ; Language Yesterday, Today and Tomorrow (Hawthorn Books, New York, 1968,) Mario Pei avait lui-même écrit : "Ne voulant pas le moins du monde atténuer la valeur des autres langues actuellement enseignées, je pense que l’enseignement de l’espéranto aux degrés élémentaires présente plusieurs avantages : il a été prouvé expérimentalement que l’espéranto constitue un excellent pont pour l’étude des autres langues, car grâce à sa simplicité de structure et de vocabulaire il brise la résistance initiale de l’élève moyen unilingue. Il renforce en même temps son vocabulaire de mots étrangers et crée chez l’enfant une confiance en sa propre capacité d’étudier et d’assimiler des langues étrangères."

Et il serait possible d’en citer beaucoup d’autres depuis Max Friedrich Müller, (dès 1894 !) jusqu’au sémioticien de renommée mondiale qu’est Umberto Eco (environ cent ans après !).

Dante, à qui l’italien moderne est immensément redevable, avait déjà connu pour l’italien des critiques aussi stupides, analogues à celles qui visent aujourd’hui à abaisser l’espéranto : "ll y a une langue qui n’est la propriété de personne, qui est audible dans chaque ville, dans chaque région mais qui n’appartient à aucune ville ou région définie. C’est un nouveau soleil qui brillera là où était l’obscurité. (...) Et on la critique cependant par méconnaissance, par le doute qu’elle conviendrait pour la littérature, seulement par fierté personnelle parce que l’on connaît plusieurs langues étrangères." ("Il Convivio". chap. 11 et 15) .

De tout ceci il apparaît, après tant d’erreurs grotesques en si peu de mots, que les citoyens sont en droit de conclure que la France s’est dotée d’un ministère de l’A-culture dont le rôle est de les détourner des sources de connaissances, de savoir, de culture.

Veuillez agréer Monsieur le Ministre, l’expression de ma considération distinguée.

Henri Masson