La mise en place des monopoles du savoir

Publié le samedi 21 août 2004 par admin_sat

par Charles Durand, professseur à l’Université de Technologie de Belfort-Montbéliard.
Editions l’Harmattan
120 pages, ISBN : 2747517713.
Disponible sur www.alapage.com ou www.chapitre.com.
(Voir aussi "La nouvelle guerre contre l’intelligence").

"La mise en place des monopoles du savoir", de Charles Durand, vient de paraître aux Editions l’Harmattan et est disponible sur les librairies en ligne http://www.alapage.com et http://www.chapitre.com.

Cet ouvrage a pour but d’inventorier les conséquences, subies depuis une quarantaine d’années par les pays non anglophones, de l’adoption presque généralisée de l’anglais comme outil de communication internationale dans le domaine de la recherche en science et en technologie. Il y a presque 35 ans, la plupart des facultés de sciences aux Etats-Unis supprimaient leur « Ph.D. foreign language requirement ». Jusque là, tout futur doctorant américain dans une discipline scientifique devait obligatoirement prouver qu’il maîtrisait au moins UNE des grandes langues scientifiques autres que l’anglais, et cela suffisamment pour pouvoir comprendre sans difficulté toute publication dans sa spécialité rédigée dans cette langue. Les langues étrangères alors reconnues par les universités nord-américaines comme « langues scientifiques » comprenaient généralement un sous-ensemble de langues indo-européennes (allemand, espagnol, français, russe, ), sémitiques (arabe littéraire) et asiatiques (japonais et mandarin). Aujourd’hui, à quelques rares exceptions près, ce « Ph.D. foreign language requirement » n’existe plus dans les disciplines scientifiques. Depuis sa suppression, des pressions directes et indirectes ont été exercées sur les congrès scientifiques internationaux - autrefois multilingues - pour qu’ils deviennent progressivement unilingues, et la même tendance s’est appliquée aux revues et journaux présentant les résultats des recherches fondamentales, dans les pays anglophones comme ailleurs. La disparition progressive des langues autres que l’anglais du domaine de la communication scientifique internationale suivait en fait les directives énoncées dans l’« Anglo-American Conference Report 1961 ». Ce document de nature confidentielle était destiné au British Council dont l’actuel président Tony Andrews déclare d’ailleurs sans complexe que « l’anglais devrait devenir la seule langue officielle de l’Union européenne » (rapporté par le Frankfurter Allgemeine Zeitung du 27 janvier 2002). Rien que ça ! Parallèlement, de nombreux laboratoires, instituts, centres de recherche et même certaines divisions d’industries manufacturières ont, dans divers pays non anglophones, adopté l’anglais comme langue « officielle » de leurs activités sous la pression de leurs dirigeants qui prétextaient des nécessités commerciales et des impératifs de communication à l’échelle planétaire. « La mise en place des monopoles du savoir » présente un examen détaillé de la situation actuelle et démontre que l’adoption officielle ou officieuse de l’anglais comme véhicule de communication internationale dans le seul domaine scientifique entraîne un certain nombre d’effets pervers pesant très lourds par rapport aux bénéfices que cette pratique est censée apporter à ses promoteurs. Plus particulièrement dans le cadre universitaire, elle entraîne la formation de monopoles en opposition absolue aux principes de libre accès au savoir dans des établissements d’enseignement supérieur libres et ouverts. L’actuel quasi monopole du savoir technico-scientifique moderne détenu par les Anglo-américains - que certains refusent d’admettre - n’est pas lié aux seuls mérites de leurs chercheurs et de leurs ingénieurs. Dans une large part, il est la conséquence directe de l’adoption de la langue anglaise comme langue internationale en science et en technologie, démultipliant ainsi la visibilité du monde anglo-saxon dans ces secteurs au détriment de celle des autres. A terme, l’usage de plus en plus répandu de l’anglais dans les laboratoires de recherche, qu’il soit librement choisi ou imposé, aboutit à une véritable stérilisation du processus créatif, à un réalignement automatique sur les thèmes de recherche anglo-américains et à des contributions presque exclusivement techniques. La pensée scientifique est probablement condamnée à stagner tant que les langues autres que l’anglais n’auront pas reconquis leur statut d’outil d’investigation et de communication à part entière dans tous les secteurs de recherche. Ce livre cible les universitaires et les ingénieurs qui sont impliqués dans des activités de recherche. Il désacralise un sujet tabou, celui de l’usage de plus en plus répandu de l’anglais comme véhicule de communication dans le monde moderne de la recherche. Il dénonce la naïveté de ceux qui croient que l’usage de cette langue est neutre alors qu’elle entraîne des altérations considérables dans la nature de la démarche scientifique, sans compter les énormes privilèges économiques et politiques (en faveur des nations anglophones) créés dans son sillage. L’ouvrage fait voler en éclats le mythe de la prétendue nécessité d’une lingua franca dans les sciences et les techniques sur la base d’un argumentaire totalement pragmatique et indispensable à tous ceux qui veulent donner un nouveau souffle à la créativité scientifique. Il fournit de nombreuses explications et informations pour comprendre ce qui se passe. En l’absence totale de vision à long terme qui caractérise la plupart des sociétés industrialisées contemporaines, il comble un vide qui sévit dans la pensée actuelle en touchant un problème crucial qu’il convient de laisser de côté, selon certains.

Charles Durand