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Publié le dimanche 11 août 2002 par admin_sat , mis a jour le jeudi 7 octobre 2004

[ Jouant avec son ordinateur, mon ami J.K. (il tient à rester anonyme) a trouvé par hasard un programme qui lui donnait accès à des dossiers futurs, en particulier à une série de documents tapés dans les années 2050.
Malheureusement, il n’a pas noté le chemin qu’il avait parcouru pour y arriver et il ne l’a pas retrouvé. Nous avons tout de même beaucoup de chance en ce sens que, tombant sur un document relatif à la communication linguistique, il a eu le réflexe de l’imprimer pour moi, car il savait que je portais à ce domaine un intérêt particulier. Voici ce texte : ]

Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Assesseurs, Mesdames et Messieurs les Membres du Jury,

Vous avez entendu les témoins. Je ne vais pas résumer les faits. Ils parlent d’eux-mêmes. Mais je voudrais attirer votre attention sur la fréquence avec laquelle l’expression « comme si » s’est répétée dans ces témoignages : « Ils agissaient comme s’il n’y avait pas d’autre solution «  ; « comme s’il n’y avait pas de faits à
vérifier «  ; « comme si notre proposition était ridicule «  ; « comme si cette langue n’existait pas », et ainsi de suite. Cet appel récurrent à la notion de « comme si » fait ressortir la triste tendance des accusés à faire fi de la réalité Ils appartenaient à l’élite politique, économique, culturelle, universitaire et sociale du monde, ils occupaient des postes prestigieux, ils avaient assumé des fonctions exaltantes, ils prenaient des décisions qui se
répercutaient sur la vie de tous les habitants de notre planète, mais ils se sont conduits comme des gamins
dépourvus du sens des responsabilités. Leur défense est faible. Vous l’entendez depuis le début de ce procès : « ÝNous ne savions pas », « Nous ne nous rendions pas compte... »

Comment pouvaient-ils ne pas savoir ? N’ont-ils jamais vu des voyageurs tenter désespérément, sans succès, de se faire comprendre de tel ou tel habitant du pays où ils se trouvaient ? N’ont-ils pas constaté que notre société mondiale investissait dans l’enseignement des langues des moyens astronomiques pour des résultats lamentables ? Quand ils participaient à une réunion internationale, ne se rendaient-ils pas compte qu’il y avait des interprètes dans des cabines, que la voix qui leur parvenait dans les écouteurs n’était pas celle de l’orateur et que l’emploi simultané de tant de langues ne pouvait que revenir très cher ? Ne savaient-ils pas que dans le monde entier des millions de jeunes s’évertuaient à essayer de maîtriser l’anglais, langue si fuyante qu’au bout de sept années d’étude, à raison de quatre heures par semaine, seul un élève sur cent était capable de l’utiliser convenablement ? N’ont-ils pas lu dans la presse tous ces cas de catastrophe aérienne dus à une incompréhension entre pilote et tour de contrôle ? Un certain nombre d’entre eux sont de langue anglaise. Ne se sont-ils jamais sentis supérieurs à leurs interlocuteurs d’autres origines et ne se sont-ils jamais demandé si c’était normal, et équitable ? D’autres ne sont pas anglophones de naissance. Ne se sont-ils jamais sentis inférieurs à leurs collègues des pays anglo-saxons ? N’ont-ils jamais éprouvé le sentiment désagréable qui vous tient lorsque vous cherchez à vous exprimer mais que les mots ne vous viennent pas dans la langue étrangère, alors que votre adversaire, lui, peut tirer pleinement parti des ressources de sa langue maternelle, qu’il utilise avec brio ? Comment peut-on vivre dans notre société et ne pas se rendre compte que la diversité des langues pose des problèmes non négligeables ?

Mais admettons l’impossible et imaginons qu’ils aient réussi à participer à la vie internationale sans rencontrer les aspects négatifs des réalités linguistiques. A leur niveau dans la société, pouvaient-ils réellement exercer avec compétence des responsabilités d’ampleur mondiale sans savoir comment les choses se passaient dans le domaine de la communication ? L’ignorance n’est pas une excuse. Ils avaient le devoir de savoir, d’autant plus qu’ils avaient à leur disposition les fonds et le personnel voulus pour recueillir l’information et, le cas échéant, organiser des recherches. Non. S’ils n’étaient pas au courant, c’est que cela ne les intéressait pas. Et si cela ne les intéressait pas, c’est qu’ils n’avaient pas de compassion. Ils ont fait preuve d’une indifférence effarante face à la situation d’innombrables réfugiés et travailleurs immigrés pour qui l’impossibilité de communiquer suffisamment bien en l’absence d’une langue commune débouchait sur toutes sortes d’injustices, sur de graves problèmes psychologiques, quand ce n’était pas la mort. Vous avez entendus les témoignages. L’exemple de cet hôpital allemand où 50 % des patients mouraient après une greffe parce que, faute d’une langue commune, ils ne comprenaient pas les instructions des médecins et des infirmières nous a tous atterrés. Mais ces aspects-là de la réalité, les accusés ne voulaient pas les connaître. Qu’un étranger soit traité injustement par la police parce qu’il n’arrive pas à se faire comprendre, cela ne leur faisait ni chaud ni froid. Qu’un PDG de moyenne entreprise perde un contrat intéressant faute d’un assez bon niveau en anglais dans la négociation, cela ne les troublait guère. Que des fonds qui auraient pu servir à des activités sociales d’une importance capitale soient affectés à des systèmes linguistiques affreusement dispendieux, ils n’en avaient rien à faire. Et pourtant ! Ne leur incombait-il pas de décider de façon humaine de l’affectation des montants prélevés chez les contribuables ?

Permettez-moi de vous donner un exemple, un seul, parmi la liste quasiment infinie où je pourrais puiser. Quand ces messieurs-dames détenaient le pouvoir, bien des enfants africains mouraient de déshydratation, d’une déshydratation si extrême que leur organisme ne produisait plus de larmes quand ils devaient pleurer. Or, le traitement revenait à 0,05 euro par enfant. Si on était impuissant face à ce cauchemar, c’est que, nous disait-on, il n’y avait pas de fonds disponibles. Mais on se gardait bien de nous dire qu’au même moment, l’Union Européenne dépensait plus d’un million d’euros par jour pour traduire ses trois millions de mots quotidiens. Quand on parlait aux accusés d’autres situations tragiques, par exemple d’une terrible famine, ils secouaient la tête avec commisération, navrés que les montants nécessaires pour résoudre le problème soient hélas introuvables. Or, cela se passait, sans que le rapprochement se fasse dans leur esprit, dans des organisations où l’on traduisait des millions et des millions de mots à deux dollars le mot. Qu’est-ce que c’est que cette « élite «  ? Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que ce que l’on dépense d’un côté n’est plus disponible de l’autre. Et que de ce fait, définir des priorités humainement acceptables est une obligation morale de première importance. Mais voilà. Dans aucune organisation internationale, et Dieu sait qu’il y en a, on n’a vu les représentants des États hésiter à affecter d’énormes montants aux services linguistiques, sans égard pour la ponction que cela prélevait sur le budget. D’ailleurs, il n’est jamais venu à l’esprit des accusés et de leurs congénères d’entreprendre une étude objective de ce que coûtent à la société ses problèmes linguistiques, dont les facettes sont innombrables, ni de faire le tour des solutions disponibles pour les surmonter. La société pourrait-elle être mieux organisée, linguistiquement parlant ? Voilà une question qu’ils ne se sont jamais posée. « Nous avons fait tout ce qui était possible. Il n’y avait pas d’autre solution », nous assurent-ils.

Pas d’autre solution ? Mais l’espéranto existait ! Il était en usage depuis un siècle. A ceux qui avaient eu la sagesse de l’adopter il apportait un système de communication magnifique, sans qu’ils aient à verser un sou dans le tonneau des Danaïdes de services linguistiques, sans inégalité entre les peuples, après un investissement raisonnable en temps et en effort dans l’apprentissage de la langue (il était établi qu’à nombre égal d’heures hebdomadaires six mois d’espéranto conférait un niveau de communication équivalent à six ans d’anglais). Mais pour les membres éminents de notre élite, cette solution alternative, la meilleure du point de vue efficacité / coût, n’existait tout simplement pas. Quand on attirait sur elle leur attention - et on n’a pas manqué de le faire, comme le prouvent les documents qui sont entre vos mains - ils lui opposaient systématiquement une série d’objections, toujours les mêmes, dont ils n’avaient jamais vérifié la validité.

« L’espéranto, cela ne marche pas », disaient-ils, alors qu’il était si facile d’assister à une réunion ou un congrès international tenu dans cette langue et de constater que la communication linguistique, qui ne coûtait rien, y était d’une qualité bien supérieure à celle que permettaient les systèmes rivaux, essentiellement l’anglais employé seul ou l’interprétation simultanée. « C’est artificiel », assuraient-ils, refusant l’invitation à aller voir des enfants rire et jouer en espéranto avec une spontanéité qui aurait démenti immédiatement leur préjugé, et n’éprouvant aucune réticence à parler dans un micro et à écouter dans des écouteurs une autre voix que celle de l’orateur, ce qui, vous le reconnaîtrez avec moi, n’est pas un modèle particulièrement impressionnant de communication naturelle. « Il n’a pas de culture », poursuivaient-ils, sans avoir jamais lu une oeuvre même très brève d’un poète s’exprimant en espéranto, ignorant tout du développement du théâtre et de la littérature de cette langue et n’ayant jamais assisté à une conférence scientifique donnée dans cet idiome. « Il est rigide et inexpressif », répétaient-ils, sans jamais le soumettre à une analyse linguistique comparative, qui les aurait obligés à conclure qu’il était plus souple et plus expressif, du fait de sa combinatoire, que bien des langues prestigieuses. « Ce n’est pas une langue vivante », lançaient-ils, sans rien connaître du milieu qui l’utilisait quotidiennement, sans non plus se demander quels sont les critères de la vie d’une langue et comment l’espéranto se situait à leur égard. « Il serait dommage que les peuples abandonnent leur langue au profit de ce baragouin », bougonnaient-ils, négligeant gaillardement le fait que l’espéranto n’a jamais eu pour but de se substituer aux autres langues, mais se contente d’être un moyen pratique de surmonter les barrières linguistiques comme le latin au Moyen-Âge, et ne tenant aucun compte des rapports sur la mort des langues - dans les années 2000 il mourait une langue par semaine - due à l’impact de quelques grands idiomes, notamment l’anglais, que plusieurs sociolinguistes en étaient venus à appeler « langue assassine ».

Point n’est besoin de s’étendre davantage sur ces préjugés. Vous savez ce qu’ils valent. Vingt-cinq ans après la révolte des citoyens et le succès de la révolution linguistique, nous voyons partout combien le monde s’est amélioré.

Vous pouvez aujourd’hui voyager n’importe où dans le monde et converser avec les gens que vous rencontrez sans le moindre problème de communication. Les organisations internationales font l’économie des montants astronomiques qu’elles affectaient aux services linguistiques, ce qui dégage des sommes fantastiques pour des projets substantiels. Partout dans le monde les jeunes, après le cours d’espéranto de base, étudient toutes sortes de langues selon leurs goûts et leurs intérêts, ce qui accroît la diversité des modes de pensée, elle-même facteur d’interfécondation des idées, tout en favorisant une meilleure compréhension entre les peuples. Les nombreux effets négatifs que le monopole de l’anglais exerçait sur la vie culturelle de bien des nations - il était souvent impossible d’apprendre une autre langue à l’école - s’atténuent progressivement. Les réfugiés et les travailleurs immigrés n’ont aucune peine à se faire comprendre partout où ils vont. Les spécialistes participant à des discussions internationales sont recrutés en fonction de leur compétence dans leur branche, et non plus de leur niveau en anglais, qui en excluait beaucoup, car, comme vous le savez, bon nombre de personnes douées en mathématiques et en technique n’apprennent les langues qu’avec difficulté. Aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans les autres pays anglo-saxons, les étudiants sont dotés d’un nouvel outil pour découvrir les autres cultures, et l’obligation d’apprendre une langue rigoureuse, mais facile et psychologiquement satisfaisante, se révèle avoir des effets positifs inattendus sur leur mentalité ainsi que sur leur développement intellectuel et culturel. En Inde, le conflit entre partisans et adversaires de l’anglais comme langue nationale, ainsi qu’entre partisans et adversaires de l’hindi, s’est totalement résorbé depuis que les régions linguistiques communiquent en espéranto, et l’on a vu les tensions entre communautés s’apaiser en Belgique, au Cameroun, au Nigeria et dans bien d’autres pays.

Il n’y a pas de doute. L’humanité doit une fière chandelle à tous ceux qui ont fait pression sur la classe politique pour que les États organisent l’enseignement coordonné de l’espéranto dans le monde entier. Mais notre dette de gratitude est particulièrement grande envers les hauts fonctionnaires qui n’ont pas relâché leurs efforts jusqu’à ce que paraisse la Déclaration qui a rétabli officiellement la vérité sur l’espéranto. Pour la première fois, la langue internationale a été vue par tous dans une juste perspective. Quand le grand public a compris à quel point on l’avait trompé pendant des décennies, la fameuse « ruée sur l’espéranto » s’est déclenchée, ce qui a provoqué une propagation ultra-rapide de la langue avant même que s’organise son enseignement généralisé.

Si j’ai pris un peu de temps pour vous rappeler les immenses avantages que nous tirons tous aujourd’hui du changement d’attitude envers l’espéranto, c’est pour souligner la responsabilité des accusés dans le fait qu’il se soit produit si tard. Dès 1920, la Société des Nations avait mené à bien une étude objective de la question et recommandé aux États d’organiser partout l’enseignement de l’espéranto pour qu’il devienne la seconde langue de chaque citoyen. C’était le meilleur moyen d’assurer une communication internationale agréable sur un pied d’égalité tout en garantissant la survie et la prospérité de toutes les langues et de toutes les cultures. Mais, ce rapport de la SDN, les accusés et leurs congénères n’y ont jamais prêté la moindre attention. Les qualités de l’espéranto ont toujours été visibles pour toute personne de bonne foi. Dans les années 1930 déjà, la littérature espérantophone et l’utilisation de la langue de Zamenhof dans des réunions internationales étaient assez développées pour qu’on ne puisse refuser de reconnaître sa valeur humaine et culturelle qu’en tombant dans la mauvaise foi et en péchant contre l’objectivité.

C’est hélas ce qu’a fait notre prétendue élite. Lorsque des personnes ou des associations proposaient à ceux qui sont aujourd’hui sur le banc des accusés d’agir, après étude du dossier, pour promouvoir l’espéranto, elles recevaient systématiquement une réponse négative, condescendante et totalement dépourvue de fondement objectif Jamais ceux qui répondaient ne se sont sentis obligés de motiver leur réponse par des faits vérifiables. Jamais ils n’ont ouvert le dossier. Que l’espéranto ne valait rien était pour eux un axiome, une évidence qui allait de soi. Voilà pourquoi ils méritent d’être condamnés. Le présent procès doit servir d’exemple pour montrer aux peuples du monde que l’absence d’attitude démocratique, le manque d’objectivité, le refus de vérifier les faits, le rejet d’une proposition avant de l’avoir étudiée, l’indifférence envers la souffrance des victimes de la situation et la tendance à se garder d’établir un ordre de priorités fondé sur l’éthique ne peuvent rester impunis.

La société a des droits. Le droit à la communication mérite d’être pris au sérieux, comme le droit à un traitement égal. Quand les accusés faisaient la pluie et le beau temps dans le monde, ils manipulaient l’opinion de manière très subtile, insinuant dans les esprits un certain nombre de distorsions qui expliquent dans une large mesure pourquoi on a tant tardé à adopter une langue internationale réellement adaptée aux besoins de la communication entre les peuples. Lorsqu’une personne se trouvait placée dans une position défavorable parce qu’elle ne pouvait s’exprimer dans la langue étrangère exigée, n’était-elle pas la victime du système linguistique en vigueur ? Pour nous, aujourd’hui, c’est l’évidence même. Mais notre prétendue élite était parvenue à placer ces victimes aux rangs des coupables. Coupables de ne pas avoir su s’y prendre, de ne pas avoir suffisamment fait d’efforts « S’ils n’arrivent pas à s’expliquer, c’est de leur faute, ils n’avaient qu’à apprendre les langues », pensait-elle, sans se poser la question de savoir si la maîtrise d’une langue étrangère est à la portée de chacun, ni s’il n’existait peut-être pas un système plus équitable.

Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Assesseurs, Mesdames et Messieurs les Membres du Jury, les accusés n’ont aucune excuse.

Ils vivent dans un siècle où, en droit comme en science, on ne tire pas de conclusion avant d’avoir vérifié les faits. Or, ils ont constamment conclu que l’adoption d’un système de communication linguistique différent de celui qui était en place n’avait aucun sens, sans jamais intégrer dans leurs raisonnements les faits relatifs à l’espéranto.

Ils vivent dans un siècle où, lorsque diverses options se présentent, on procède à des comparaisons, de manière à choisir l’option qui offre le maximum d’avantages et le minimum d’inconvénients. Vous les avez entendus, vous les avez vus. Lorsqu’on leur a demandé quand ils avaient mené à bien, sur le terrain, en se fondant sur une série de critères prédéfinis, une étude comparative des diverses formules appliquées à la communication linguistique entre personnes de langues différentes, y compris l’espéranto, leurs regards se sont étrangement concentrés sur le bout de leurs chaussures et, ceux d’entre nous qui, malgré cette position, ont réussi à voir l’expression de leur visage, ont constaté qu’ils n’en menaient pas large. « Nous n’y avons tout simplement pas pensé », a bredouillé l’un d’eux. Mais ils ont reconnu que dans d’autres domaines, quand il s’agissait de l’argent des contribuables ou des actionnaires ils lançaient un appel d’offres, ils étudiaient les diverses soumissions, bref, ils s’arrangeaient pour comparer les diverses options et choisir la plus intéressante.

Ils vivent dans un siècle qui a banni toutes formes de discrimination. Mais leur attitude envers ceux qui ont tenté de leur faire prendre conscience du potentiel de l’espéranto, et de sa réalité, a toujours été discriminatoire. Ces personnes n’ont jamais été écoutées ; leurs documents n’ont jamais été lus ; le rejet a été systématique et préalable à toute analyse. Cette façon de faire s’est surtout manifestée, comme vous l’avez entendu dans les témoignages, à l’Union Européenne, mais on aurait pu produire bien d’autres exemples. Non, ils n’ont aucune excuse. Même aujourd’hui, il est douteux qu’ils mesurent l’ampleur des frustrations, des pertes, des souffrances, des dépenses inutiles d’énergie, des gaspillages dramatiques, qu’ont provoqués leur refus délibéré de tenir compte des réalités linguistiques. Tout ce gâchis, si facile à éviter, comme le prouve notre mode de vie actuel, était considéré comme normal, exactement comme l’esclavage a été considéré comme allant de soi pendant des siècles, au point que les esclaves eux-même y voyaient un aspect inéluctable de l’existence. Pendant des décennies, les innombrables victimes du désordre linguistique international ont été manipulées, on leur a fait croire qu’il n’y avait pas d’autre solution que le chaos et l’inégalité en cours. C’est impardonnable eu égard au niveau intellectuel des responsables, ainsi qu’à leur formation juridique, scientifique ou politique, qui devait leur inculquer l’importance des jugements objectifs fondés sur la comparaison et la vérification.

Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Assesseurs, Mesdames et Messieurs les Membres du Jury, vous devez à la justice, et aux générations futures, d’émettre un verdict clair et net de culpabilité. Le Président de la [ Le texte s’arrête brusquement ici ].