Il s’en est fallu de peu...

Publié le mardi 15 février 2011 par Vito

Oui il s’en est fallu vraiment de peu que l’espéranto soit adopté
comme langue internationale par la Société des Nations (SDN),
ancêtre de l’ONU.

Un volumineux rapport extrêmement
positif du secrétariat
de la SDN publié
sous le titre “L’espéranto comme langue
auxiliaire internationale“ (28 juin 1922)
dans un contexte
historique favorable
aux idées de paix et
de rapprochement
entre les peuples
augurait bien de
l’adoption
d’une
telle résolution. Mais
on sait que le délégué français Gabriel
Hanotaux, seul contre tous, s’opposa
farouchement à ce que la question soit
traitée. Il voyait dans l’espéranto une
menace pour le français qui risquait
ainsi de perdre son statut de langue de
la diplomatie.

“L’espéranto comme langue auxiliaire internationale“
Résumé du rapport du Secrétariat général adopté par la troisième Assemblée de la Société des Nations

Dès sa création, en 1920, la SDN a reçu
un grand nombre de demandes en faveur de l’adoption d’une langue auxiliaire et surtout de l’espéranto.

Au cours de la première assemblée,
on s’est dit d’accord avec la nécessité
d’une langue internationale et avec
tous les arguments favorables à l’espéranto, mais on a renvoyé toute décision
à la deuxième assemblée, en demandant un rapport détaillé sur les résultats
obtenus au cours des diverses et déjà
nombreuses expériences d’utilisation
pratique de l’espéranto.

En 1921, la deuxième assemblée a
constaté que ce problème éveillait un
intérêt de plus en plus grand, mais n’a
fait que proposer d’inscrire la question
à l’ordre du jour de l’assemblée suivante et a demandé au Secrétariat
un nouveau rapport détaillé.

Pour préparer ce rapport le
Secrétariat Général envoya des questionnaires
à tous les membres de la SDN ainsi qu’à
toutes les organisations compétentes.

On missionna également le sous-secrétaire général Nitobe Inazo [1] pour participer au Congrès Universel d’espéranto
de Prague en 1921. Il a été frappé de
l’esprit élevé et du souffle d’enthousiasme humanitaire qui animaient l’assemblée. Il a constaté, dans son rapport,
que le développement de la langue et
son caractère vivant devaient beaucoup au puissant élan spirituel imprimé
par Zamenhof au mouvement et à la littérature espérantistes.
De plus, la SDN hébergea une « Conférence internationale sur l’enseignement
de l’espéranto dans les écoles ». Ses travaux ont contribué à fournir au Secrétariat de la SDN une importante documentation pédagogique basée sur les
nombreuses expériences réalisées dans
un grand nombre d’états.

Nitobe sur le billet de 5000 yens

Pendant ce temps, le Secrétariat recevait aussi des propositions concurrentes : Les scandinaves proposaient
l’adoption de l’anglais. D’autres proposaient de rescussiter le latin. On présentait aussi des nouveaux projets comme
l’Occidental, le Parlamento, le Neo-Latina, ou des variantes de l’espéranto telles que l’Ido et l’Esperantide.

Le rapporteur reconnaît le rôle déterminant de l’anglais, du français et de
l’espagnol (qui sont par ailleurs les trois
langues de travail de la SDN) mais se refuse officiellement à en favoriser une.

L’espéranto a été recommandé, entre
autres, par l’Association britannique
des Sciences, la Chambre de Commerce
de Paris (voir annexe 2) et le Parlement de Finlande, ainsi que par le Congrès mondial
des Associations internationales, réuni
à Bruxelles en 1920. Les associations
françaises et italiennes pour l’avancement des sciences se sont également
prononcées pour l’espéranto.

L’ESPÉRANTO DANS L’ENSEIGNEMENT PUBLIC

Aujourd’hui l’Espéranto est enseigné
dans certaines des écoles primaires
ou secondaires d’environ 320 villes de
17 pays et dans les cours du soir d’environ 1 200 villes de 39 pays des cinq
continents, sur décision officielle prise
par l’État ou par des autorités locales.

Beaucoup d’instituteurs se servent de
la leçon d’espéranto pour faire aimer
aux enfants la Société des Nations et
son grand idéal de paix et de collaboration universelles.

On constate généralement qu’elle est
huit ou dix fois plus facile qu’une autre
langue étrangère et qu’on arrive à la
parler parfaitement sans avoir besoin
de s’expatrier.

Mais les différents responsables de
l’enseignement insistent sur la nécessité d’un accord international pour
garantir la stabilité d’une telle langue
internationale artificielle.

ANNEXE 1
RÉSOLUTIONS ADOPTÉES PAR LA TROISIÈME ASSEMBLÉE LE 21 SEPTEMBRE 1922

Il a principalement été décidé : ... « Que
les questions relatives à l’enseignement de l’Espéranto soient renvoyées
devant la Commission de coopération
intellectuelle [2] pour que cette Commission fournisse son avis sur les différents aspects d’une langue internationale auxiliaire. »

ANNEXE 2
Rapport présenté, adopté et converti en délibération par la Chambre de Commerce de Paris dans sa séance du 9 février 1921.

(Extrait) : ... « Considérant que l’Espéranto paraît réunir
les qualités désirables de clarté et de
simplicité méthodique, tant au point
de vue de la prononciation que de la
grammaire, du vocabulaire et de la richesse d’expression ; « La Chambre de
Commerce de Paris : « 1. Décide d’introduire l’enseignement facultatif de l’Espéranto dans ses écoles commerciales ;

« 2. Émet le voeu que cet enseignement
soit généralisé en France et à l’étranger,
et que les Chambres de Commerce de
tous les pays, soucieuses de faciliter les
transactions commerciales, favorisent la propagation rapide de la
langue auxiliaire internationale. »

ANNEXE 3
LETTRE CIRCULAIRE ET QUESTIONNAIRE ENVOYÉS AUX GOUVERNEMENTS DES ÉTATS MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ (23 janvier 1922)

Cette
annexe reprend aussi in extenso la très intéressante « Réponse du Gouvernement britannique
au questionnaire », extrêmement détaillée, dans
laquelle on peut lire par exemple au sujet des résultats obtenus lors des nombreuses expériences
pédagogiques : ... « Il n’est donc pas surprenant
de constater que les enfants parlent l’Espéranto
avec plus de soin qu’ils ne parlent leur propre
langue,... pour la simple raison qu’ils parlent une
langue qu’ils n’ont pas été habitués, pendant
de longues années, à mal prononcer. Bien que
l’étude de cette nouvelle façon de parler soit
commencée un peu tard dans la vie, elle semble
avoir quelque effet sur l’usage qu’ils font de leur
propre langue. »

ANNEXE 4.
MÉMOIRE adressé à la Société des Nations par la Conférence internationale sur l’enseignement de l’Espéranto dans les écoles, réunie au Secrétariat de la Société des Nations du 18 au 20 avril 1922

(Extrait) : ... « Loin de porter atteinte aux
langues nationales, son étude aide au contraire
les enfants à écrire et à parler plus correctement
leur langue maternelle....Elle constitue une introduction à l’étude des autres langues,...chez des
cerveaux ainsi habitués à manier une seconde
langue. »

Compilation et synthèse de
JoLoKo

Le rapport est consultable dans son intégralité
sur le site de SAT-Amikaro :
 1922 : La SDN et l’espéranto