Jules VERNE et la “clef du verbe humain”

Publié le samedi 12 mars 2005 par admin_sat

Dans un article publié le 24 décembre dans "Le Figaro" sous le titre "Jules Verne, une histoire d’amour avec la science", Jean-Paul Dekiss souligne la soif de découvertes du père de la science-fiction, auteur de 62 romans et de 18 nouvelles parmi lesquels "Les voyages extraordinaires", "De la Terre à la Lune", "20 000 lieues sous les mers", etc., c’est-à-dire, en tout, 22 000 pages, 5 000 illustrations.

Jules Verne suivait effectivement l’évolution scientifique et technique avec une attentiontrès vive, mais critique aussi : il était déjà conscient des problèmes d’environnement. Il était aussi un observateur perspicace de l’évolution des idées, des mentalités, des comportements.

Dans un esprit de citoyen du monde, il avait prévu que le globe deviendrait un "village" dans lequel la notion de frontières s’estomperait, dans lequel s’accroîtrait le sentiment de dépendance réciproque, d’interdépendance.
S’il est vrai que la science a écarté la superstition, il a cependant prévu aussi le danger de l’exploitation détournée des découvertes et aussi du nihilisme.

Jean-Paul Dekiss rappelle la manière dont Jules Verne voyait déjà en son temps les artilleurs étasuniens conquérants de la Lune : "Ils n’ont aucun remords à voir des pays entiers détruits, des peuples anéantis, du moment
que leur puissance et leur richesse en sont augmentées
". La comparaison pourrait être faite avec l’attitude négative de Bush, admirateur de Jésus Christ et plus chrétien que lui, par rapport au protocole de Kyoto : "Le mode de vie américain n’est pas négociable !", donc avec un esprit semblable à celui de la Marquise de Pompadour lorsqu’elle avait dit à Louis XV, au mépris du sort, à son avis sans
importance, des générations futures : "Après nous le déluge !"...

Humour, moquerie, ironie et esprit critique restent présents dans l’esprit de ses oeuvres. Il ne tombe pas dans l’idéalisation aveugle de la science malgré une relation passionnée envers elle. Jules Verne est l’homme d’une curiosité positive, d’une science avec conscience, capable
de se remettre en question. L’art cinématographique étasunien a énormément puisé dans les oeuvres de Jules Verne mais a perfidement retiré d’elles les considérations
critiques, morales et humaines. Une explication peut se trouver dans ce qu’écrit Jean-Paul Dekiss à propos de certains aspects de l’oeuvre de Jules Verne : "Ils s’attaquent aux moeurs de la société américaine, qui sont
l’exemple du monde à venir et l’école des mythologies nouvelles, aussi bien qu’aux savants, distraits ou excessifs, et qu’aux héros eux-mêmes parfois ridicules dans la démesure et dans l’absurdité de leur absolu
".

Metteur en scène et producteur, auteur d’un ouvrage intéressant et abondamment illustré publié par "La Découverte Gallimard" en 1991 sous le titre "Jules Verne - Le rêve du progrès", et aussi directeur du Centre International Jules Verne d’Amiens, Jean-Paul Dekiss était sans doute parmi les plus qualifiés pour écrire cet article. Il souligne fort bien le génie de Jules Verne qui, pour populariser la science, était capable de captiver ses
lecteurs et auditeurs, de traiter des thèmes inhabituels avec un grand sens pédagogique.

Les usagers de l’espéranto pourraient regretter que n’apparaisse aucune mention de l’attitude favorable de Jules Verne par rapport à la Langue Internationale, du fait qu’il avait accepté de devenir président du Club d’Espéranto d’Amiens (qui existe toujours), et aussi que son dernier roman, qu’il était en train de rédiger sous le titre "Voyage d’études" [1] avant que la mort ne l’emporte, visait précisément à populariser l’espéranto. Petite-fille de Jules Verne, Marguerite Allotte de la Fuÿe a écrit qu’il en était partisan, qu’il songeait à consacrer un volume à cette question et jugeait que “la clef du verbe humain, égarée à la tour de Babel devrait être reforgée artificiellement [2].

Cent ans après la disparition de Jules Verne, la vigueur de cette langue, très visible sur Internet, fait apparaître qu’il avait en cela aussi une extraordinaire prémonition.

Dans "La vie et l’oeuvre de Jules Verne", Charles-Noël Martin a écrit que ni le gouvernement ni l’académie n’avaient été représentés aux obsèques de Jules Verne et que les cinq discours prononcés furent ceux : “ du directeur de l’académie d’Amiens, d’un professeur
de lycée au nom de la jeunesse, du président de la société industrielle d’Amiens, de Charles Lemire au nom de la société de Géographie, dont Jules Verne était membre depuis 40 ans et de Gustave Queste, au nom de la société d’espéranto.” (p. 251)

Cent ans après

Cent ans et un jour après la mort de Jules Verne, à partir du 25 mars 2005, un congrès d’espéranto de cinq jours se tiendra à nouveau à Boulogne-sur-Mer.

Il présente une occasion d’observer l’état de la langue cent ans après le premier congrès et 118 ans après la parution, à Varsovie, du Premier Manuel de la Langue Internationale.