De l’avantage de l’anglais

Publié le dimanche 4 août 2002 , mis a jour le vendredi 4 juillet 2008

Je suis citoyen des États-Unis, et j’en suis fier. Je suis fier également parce que nous sommes un pays important dans le monde d’aujourd’hui. Mais ce dont je ne suis pas fier, c’est la manière avec laquelle nous perpétuons cette importance.

Il s’agit là de l’usage de l’anglais dans le monde comme outil de communication. J’ai un avantage. Nous, Étasuniens, nous avons un avantage. Nous sommes l’élite, nous dominons à travers le monde entier et nous continuerons, car eux, c’est-à-dire les autres, ne pourront jamais communiquer aussi bien que nous. Ils travaillent durant des années et des décennies. Jamais ils n’atteindront notre niveau. Nous sommes l’élite.

Les locuteurs des autres langues (allophones) ? Ils pensent souvent utiliser parfaitement notre langue, mais, entre nous, nous faisons des commentaires ou plaisantons en cachette sur leurs erreurs. Je veux leur hurler : "N’êtes-vous pas capables de voir ce que vous faites ? C’est vous, qui vous enlevez votre pouvoir de communiquer ! C’est vous qui nous mettez durablement au-dessus de vous." Et nous resterons au-dessus d’eux. Nous sommes l’élite et nous dominons le monde.

Je ne suis pas satisfait d’appartenir à l’élite. Voilà un Étasunien qui ne s’intéresse pas de devenir un maître du monde. Je suis un citoyen des États-Unis mais, au-dessus de çà — oui, au-dessus de çà — je suis un citoyen du monde. Vous autres, où que vous soyez, je vous considère comme des amis et même comme des frères et soeurs. Je ne veux pas être placé au-dessus de vous du fait d’un avantage injuste. Je serais beaucoup plus heureux de marcher à vos côtés et ainsi nous pourrions partager nos cultures, l’un avec l’autre ; nous pourrions ainsi être à égalité, nous pourrions ainsi nous respecter l’un l’autre.

Pourtant, vous refusez cela, vous, les allophones. Je pense que vous vous aveuglez face à la vérité. Les hommes semblent moins intelligents que ce qu’ils sont réellement lorsqu’ils parlent à une personne dans sa langue maternelle. Claude Piron, un espérantiste, me l’a fait remarquer et je le constate d’une fois à l’autre quand je travaille à l’étranger. L’espéranto a été créé pour être rapidement appris, et — plus important — pour être souple afin que chacun puisse l’utiliser sans paraître étranger, sans paraître stupide. L’anglais, pas du tout ! Mis à part si vous avez résidé plusieurs années dans un pays anglophone, vous ne maîtriserez jamais ses règles décrites, l’énorme quantité d’expressions et les nuances subtiles de la langue.

Une langue nationale est un labyrinthe générateur de confusion pour l’étranger. C’est comme les pelures d’un oignon, et quand vous comprenez un aspect de la langue, vous pouvez être certain qu’en dessous se trouvent des exceptions et des nuances incompréhensibles. Apprenez l’anglais. C’est une langue riche et superbe, et les peuples qui la parlent sont affables, et leurs cultures très intéressantes. Mais comprenez absolument que cette langue ne convient pas comme outil pour la communication internationale. Pensez aux personnes de votre pays qui font des erreurs dans leur propre langue. Pensez aux erreurs que vous faites vous-même dans votre langue maternelle. Croyez-vous que des locuteurs non natifs seraient capables de concourir équitablement ? Est-ce un tel monde d’injustice que vous voulez créer ? En tant que citoyens du monde, en tant qu’humanité, sommes-nous fiers de ce monde ?

Je voudrais enfin ajouter une réflexion sur ce monde que nous créons. J’ai commencé par parler des États-Unis, mon pays, et de son importance dans notre monde. Pourquoi est-il important ? Je pense qu’une des raisons les plus justes se trouve dans notre force. Pas spécialement la force militaire, mais la force dans le commerce, les relations diplomatiques, les beaux-arts, les sports et une quantité d’autres domaines divers. Pourquoi sommes-nous si forts ? A mon avis, c’est parce que nous sommes un pays de 50 États séparés. Ces États collaborent, communiquent, mettent en commun leurs diverses forces et forment ainsi une union beaucoup plus forte que la somme des 50 États eux-mêmes. Nous voyons maintenant une même prise de conscience de l’Union européenne. Je vous invite à penser à notre monde. Comment est-il ? Comment pourrait-il être si nous, les citoyens du monde, nous pouvions communiquer efficacement et ainsi nous comprendre et partager nos divers points forts ? J’affirme que nous sommes incapables de créer un tel monde avec une langue nationale comme outil de communication internationale. Par chance, nous avons une langue qui est adéquate, qui est juste, qui permet à chaque homme de déclarer : "Me voici, citoyen du monde, un homme parmi les autres hommes, laissez-moi vous montrer qui je suis." Voici l’intercompréhension. Voici ce que permet l’espéranto. Voici notre monde.
Texte original publié en espéranto dans "Litova Stelo" (L’Étoile lituanienne).
Traduit de l’espéranto en français par Henri Masson.

Autres traductions existantes :

 en espagnol
 en espéranto avec le texte en anglais
 
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