"La manipulation mentale par la destruction des langues " par Charles Xavier Durand

Publié le samedi 21 août 2004 par admin_sat

Éditions François-Xavier de Guibert, Paris, mai 2002, ISBN : 2868397719, 340 pages.
Cet ouvrage est le tome II de " La nouvelle guerre contre l’intelligence".

Disponible sur la plupart des librairies en ligne : <http://www.alapage.com> , <http://www.chapitre.com> , <http://www.amazon.fr>

Ce livre analyse les relations croisées que la langue crée avec la pensée, les réalisations qu’elle permet et l’environnement culturel et socio-politique qu’elle engendre.

Dans la plupart des pays industrialisés, on constate une érosion très nette de la qualité des langues nationales écrites et parlées tandis que nos "élites" se font les relais efficaces d’une propagande visant à instaurer une langue unique en prétextant des impératifs de communication et des nécessités commerciales à l’échelle planétaire. Il est évident que l’altération d’un véhicule de communication favorise l’adoption d’un autre dont l’usage est déjà répandu dans tous les secteurs de pointe qui sont censés conditionner notre avenir. Discrètement imposée par le secteur privé avec l’aval tacite des autorités de nombreux pays industrialisés, la dérive vers la langue unique ne relève nullement du pragmatisme mais d’une idéologie implantée artificiellement par un conditionnement profond des esprits. En France, des médias bien dressés insistent pour nous faire croire que les inquiétudes de plus en plus vives que cette tendance suscite sont typiques d’une mentalité rétrograde alors qu’il est facile, au contraire, d’observer sur la scène internationale que la langue, sa qualité et le rôle qu’elle joue dans la pensée et la réflexion sont, à juste titre, des sujets universels de préoccupation.

Le tome II passe à la loupe l’idéologie qui a contaminé nos élites, l’étendue de son emprise et les forces qui lui ont permis de se mettre en place. Elle est en fait le mécanisme principal d’une formidable entreprise d’asservissement des esprits dans un objectif global de consolidation d’hégémonies déjà existantes. L’appauvrissement du vocabulaire et de la syntaxe, la confusion qu’entraîne l’introduction massive de termes étrangers dont la signification est forcément imprécise perturbent profondément la réflexion, inhibent le sens critique et affaiblissent ainsi les systèmes démocratiques. De plus, l’adoption d’une langue étrangère à travers de larges segments de l’activité industrielle et économique entraîne une stérilisation progressive de la créativité en limitant ceux pour qui ellen’est pas langue maternelle à singer les contributions des locuteurs natifs. D’autre part, langue et culture étant indissociables, la langue unique entraîneautomatiquement l’adhésion aux principes et aux valeurs sécrétés par la culture qu’elle sous-tend. Par conséquent, elle sert de facto les intérêts des pays pour lesquels elle est aussi langue nationale. Les nombreuses tentatives qui sont faites aujourd’hui par certains États pour, au contraire, affirmer plusieurs langues de communication sur la scène internationale correspondent aux craintes, parfaitement justifiées, que nous soyons bloqués mentalement et matériellement dans un monde extérieur unipolaire dominé par un seul groupe de pays, voire un seul d’entre eux, sans alternative possible.

Qu’on le veuille ou non, l’adoption d’une langue unique entraîne à terme le transfert de l’autorité de toutes les instances internationales qui l’utilisent vers les pays où elle est utilisée comme langue nationale, quelles que soient l’origine nationale de leurs secrétaires généraux et la composition de leurs comités de pilotage. On le voit aujourd’hui au niveau d’organisations telles que la Banque mondiale, le FMI, le tribunal international et l’OTAN bien sûr, mais aussi au sein de la Commission européenne de Bruxelles. Nous sommes aujourd’hui en mesure de tirer les conséquences de l’adoption de la langue unique dans plusieurs domaines où son choix est déjà consommé et de deviner ce qu’elle pourrait entraîner ailleurs où elle n’a pas encore la suprématie absolue comme c’est encore le cas, par exemple, au bureau européen des brevets. C’est ainsi qu’elle rend possible le piratage presque systématique des connaissances scientifiques produites à l’extérieur des pays anglophones et favorise aussi le révisionnisme historique à large échelle dans ce domaine, sans que cela ne suscite de réactions significatives dans la communauté scientifique. S’il est difficile pour un non spécialiste de juger de la perte de créativité dans les domaines technico-scientifiques, il peut
cependant la vérifier dans le domaine largement accessible des arts populaires et en mesurer précisément les effets.

La défense des langues, des cultures et de la pluralité n’est pas une petite guéguerre d’opérette. Elle conditionne notre survie et donc, à terme, notre indépendance économique et politique. Une fantastique opération de conditionnement des esprits à travers la langue a été enclenchée à l’échelle de la planète et il est impératif de la combattre efficacement. Le tome II apportera au lecteur les éléments indispensables permettant de justifier une telle prise de position sur l’épandage à marche forcée d’une langue prétendument universelle. Le plurilinguisme est à l’échelle internationale ce que le pluripartisme politique est à l’échelle nationale. Si la démocratie à l’intérieur des États s’appuie sur le pluripartisme, la démocratie entre les États, elle, doit s’appuyer sur le plurilinguisme. Les distorsions induites par l’évolution actuelle sont colossales. Dans les pays industrialisés, la poussée vers l’usage d’une langue unique pour les relations interétatiques favorise l’émergence d’une pensée unique ayant le potentiel, à terme, de se transformer en pouvoir unique, c’est-à-dire en dictature. L’uniformisation favorise l’émergence d’un seul pouvoir et un seul pouvoir favorise l’éclosion de la dictature. En abandonnant sa propre langue, l’homme perd automatiquement la maîtrise des définitions et de ses outils de représentation. Il devient donc vulnérable à la manipulation. Par conséquent, ses créations, quand on peut encore en parler, deviennent puériles et insignifiantes et n’intéressent plus personne. Le tome II explique cela en détail et fournit au lecteur une moisson d’observations confirmant les thèses avancées ainsi que de très nombreuses références qui lui permettront, s’il le désire, de poursuivre lui-même ses investigations.