Le parachute linguistique : Henri Masson

Publié le sabato 21a aŭgusto 2004 , mis a jour le merkredo 5a majo 2010

Les voies qui conduisent à l’espéranto sont fort diverses, et il n’en est pas deux identiques. J’en avais entendu parler dès mon enfance (8 ou 9 ans). Des réflexions du genre : "Dommage que ça n’ait pas réussi !" ne m’étaient pas inconnues. On les entend encore de nos jours ... Mais j’avais aussi remarqué que c’était l’une des cinq langues utilisées dans le "Tarif Album" de la très célèbre Manufacture d’Armes et de Cycles de Saint-Étienne (Manufrance) pour la présentation de ses conditions de vente. Je tenais donc en cela la preuve concrète de réelles applications pratiques de cette langue.

Aérodrome de Blida, 1962
Flughaveno de Blida, 1962

Le cheminement de la vie me conduisit, à l’âge de 17 ans, à effectuer des sauts d’entraînement dans le cadre de la préparation militaire parachutiste. Donc dans une direction à l’opposé de l’esprit qui anime l’espéranto. A 18 ans et trois jours, comme s’il y avait urgence, je signai un engagement volontaire de trois ans dans un régiment parachutiste.

Au bout des trois ans, comprenant un séjour en Algérie du 11 mars 1962 (le cessez-le feu eut lieu le 19 mars à 12 h) au 20 juillet 1962 (le pays est alors indépendant depuis le référendum du 1er juillet), je quittai l’armée sans regret, avec la conviction que ma voie n’était pas là.

La voie qui se présenta à moi fut celle des chemins de fer.
Mes lectures m’amenèrent à souhaiter avoir des échanges avec l’étranger, à connaître d’autres gens, d’autres pays. Ce désir se renforça en 1968 avec le grand brassage d’idées, et ce n’est qu’en 1970, précisément le 19 avril après-midi (ne me demandez pas l’heure !), que je pus acheter une brochure permettant une bonne introduction à l’espéranto. Cette langue me parut géniale. Depuis lors, je refusai de me contenter des ouï-dire à son sujet et me promis de la découvrir pour mieux aider à sa découverte.

C’est à 27 ans que je pris fermement les deux meilleures décisions de ma vie :
rejeter définitivement la cigarette et découvrir l’espéranto.
La du plej bonajn decidojn de mia vivo mi prenis je la 27-jaraĝo : definitive forĵeti la cigaredon kaj malkovri Esperanton.

Je fus ainsi amené à correspondre avec des personnes de nombreux pays et à voyager surtout en Europe, et en particulier en Scandinavie. Cette langue se révéla d’un intérêt bien plus grand que certains ne l’imaginent.
Si j’avais voulu apprendre la langue de toutes les personnes avec lesquelles, à travers le monde, j’ai eu des échanges oraux ou épistolaires, il m’aurait fallu en apprendre pas moins de cinquante. Peu nombreux sont ceux qui ont la disposition, la capacité et le temps pour ça. L’exception "qui confirme la règle" m’a toutefois été donnée récemment par Georges Kersaudy, l’auteur de "Langues sans frontières" qui a lui-même appris l’espéranto dans son jeune âge et qui parle, écrit et traduit aujourd’hui 51 langues d’Europe et d’Asie.
Diverses responsabilités au sein des associations SAT et SAT-Amikaro m’amenèrent à écrire, à faire des recherches pour la documentation et l’information.
C’est à ce titre que je fus contacté, au début des années 1990, par René Centassi, ancien rédacteur en chef de l’Agence France Presse. Il voulait rédiger une biographie du Dr Zamenhof. Durant plusieurs mois, je lui procurai une somme de renseignements telle qu’un jour il me proposa de travailler ensemble, donc que je sois coauteur. La suite montre que cette proposition se concrétisa avec la parution, en 1995, de "L’homme qui a défié Babel". Des difficultés avec le premier éditeur, la disparition de René Centassi, en 1998, la recherche d’un autre éditeur et de traducteurs, et divers problèmes, retardèrent la réédition et la parution d’une première édition en espéranto.

Mon espoir est de voir que les jeunes n’attendront pas d’avoir 27 ans pour découvrir les ressources extraordinaires de ce parachute linguistique grâce auquel l’atterissage sur le terrain de la communication internationale se fait sans secousse et qui, entre des personnes n’ayant aucune langue commune, permet d’engager le dialogue en un temps record.