Les règles de l’anglais

Publié le dimanĉo 8a junio 2003 , mis a jour le merkredo 14a novembro 2007

Les règles de l’anglais

Dans son numéro du 20 décembre 2002, le magazine belge “Le Vif/L’Express” a consacré trois pages aux problèmes de communication linguistique et à l’espéranto. C’est à la fois si rare et si honnête que ça mérite d’être signalé. L’anglais étant incontournable lorsque ces questions sont abordées, la journaliste, Valérie Colin, a rapporté ce fait véridique raconté par Claude Piron, l’auteur de “Le défi des langues” [1], lors d’une conférence présentée à Louvain-la-Neuve :
La ministre danoise, toute fière d’endosser ses nouvelles responsabilités, déclare solennellement : “Well, I’m at the beginning of my period... !” Autrement dit, non pas “Eh bien, je commence dans mes fonctions”, mais “Je suis au début de mes règles”...
Il est ainsi démontré qu’il y a danger à utiliser l’anglais sans en connaître ou en respecter les règles, des règles incontournables dont l’effet n’est pas que périodique et contre lesquels la gent masculine n’a d’ailleurs, elle non plus, aucune protection.

Le piège linguistique

Pendant que certains médias francophones participent lourdement à l’intoxication qui consiste à faire croire que les problèmes de communication linguistique sont définitivement réglés par l’anglais, des natifs anglophones et des spécialistes de l’anglais sont saisis d’un doute. C’est le cas de Barbara Wallraff qui, aux États-Unis, dans le magazine “The Atlantic Monthly” [2] a publié un article répondant ainsi à la question “What global language ?" (Quel langage mondial ?) : “Don’t bet on the triumph of English” (Ne pariez pas sur le triomphe de l’anglais).

Professeur de physique à l’Université de Caroline du Nord, à Raleigh, après avoir enseigné la linguistique à celle de l’Illinois, à Urbana-Champaign à partir de 1982, puis la physique et l’utilisation des ordinateurs dans l’enseignement à l’Université Carnegie-Mellon, établissement hautement renommé de Pittsburgh, Bruce Sherwood n’a pris conscience des difficultés de l’anglais que lorsqu’il a été amené à concevoir un algorithme pour convertir en paroles un texte en espéranto, anglais, espagnol, italien, français et russe et le restituer avec un appareil de synthèse vocale : “En espéranto, de tels procédés sont particulièrement simples du fait que chaque lettre a sa propre prononciation, indépendamment du contexte”. En anglais, il n’y a d’autre règle que de tout transcrire dans un système phonétique ad hoc [3] : “L’anglais est difficile à traduire, et à cause de la prononciation qui est difficile, et à cause du système de sons même de l’anglais, qui est difficile. Tout le monde sait que la prononciation de la langue anglaise a beaucoup d’exceptions et d’irrégularités. Mais tout le monde n’a pas conscience — et je n’étais pas conscient avant d’explorer ces questions — que le système de sons même de l’anglais est très malaisé à traiter par ordinateur du fait qu’il y a de nombreuses voyelles — il y <en a douze —, et des consommes difficiles. L’accentuation dans un mot et une phrase en anglais est extrêmement importante pour la compréhensibilité.
Dans le cadre de sa réunion culturelle organisée au Centre Pompidou pour le centenaire de l’espéranto, en 1987, SAT avait invité le professeur John C. <Wells (University College London), l’un des spécialistes les plus renommés au monde en matière de phonétique de la langue anglaise, à présenter une conférence sur l’anglais en espéranto pour lequel il est aussi particulièrement qualifié puisqu’il a publié divers ouvrages dans cette langue et sur cette langue. Auteur d’un traité magistral intitulé “The Accents of English” [4], John Wells est bien placé pour savoir que l’anglais est une langue particulièrement riche en pièges. Non sans humour, il a ainsi décrit le casse-tête devant lequel se trouvent même les linguistes les plus éminents lorsqu’il s’agit de fixer des règles pour une telle langue :
Chomsky [5] et des amis ont réussi à fournir un ensemble de règles extrêmement compliquées qui, avec cinq règles principales et quarante classes d’exceptions et 120 classes d’exceptions aux exceptions, vous permettent de déterminer avec justesse la position de l’accent pour 90% des mots. Un autre problème de l’anglais, c’est la règle de l’accent, ou plus exactement l’absence de règle pour l’accent. Il y a maintenant une discussion académique à propos de l’existence ou de la non existence d’une règle pour l’accent en langue anglaise. L’opinion traditionnelle est qu’elle n’existe pas, et que l’on doit apprendre pour chaque mot particulier où se trouve l’accent.

Un pari sur le bon sens

Moins les gens ont étudié l’anglais, moins ils le maîtrisent, plus ils y croient.
Il y a urgence à comprendre que, là où passe l’anglais, il y a de moins en moins de place pour les autres langues : ”L’impact de l’anglais sur d’autres langues a été assez désastreux par endroits”, a écrit David Crystal, l’auteur de la célèbre "Cambridge Encyclopedia of the English Language ”.
Interprète free-lance (indépendant), adhérent de l’Association Internationale des Interprètes de Conférences (AIIC), René Pinhas sait ce qu’il en est sur le terrain, lorsqu’il s’agit de tout autre chose que de “se débrouiller” :

J’ai écrit, ailleurs, qu’au cours de congrès médicaux internationaux, l’anglais parlé par des orateurs français était souvent totalement inintelligible pour les participants australiens, néo-zélandais ou pakistanais, parce qu’il n’y avait pas un seul, je dis bien un seul, accent tonique qui fût correctement placé. Alors, que dire des malheureux Japonais, Suédois et autres Mexicains dont la langue maternelle n’est pas l’anglais ! Les seuls membres de l’auditoire qui le comprenaient étaient les autres Français dans la salle.[6]”

René Pinhas lance ensuite l’interrogation : “Se tournera-t-on vers une nouvelle mouture de l’Esperanto ?“. Mais à quoi bon une “nouvelle mouture” puisque l’espéranto, tel qu’il est, répond aux exigences de la communication moderne ? Les seuls obstacles qui s’y sont opposé ont été, comme l’a reconnu le professeur Umberto Eco, non point linguistiques, mais politiques. A nous d’exiger l’introduction de règles d’équité, de démocratie et de “glasnost” en politique linguistique.

Henri Masson

1. Éditions L’Harmattan, Paris. 1994.
2. http://www.theatlantic.com/issues/2000/11/ bgcover.htm
3. Aucun alphabet phonétique n’est reconnu partout dans le monde.
4. Ouvrage en trois volumes. Cambridge University Press, 1982. La cassette de la conférence est disponible au Service Librairie de SAT-Amikaro. Sites de John Wells :
http://www.phon.ucl.ac.uk/home/wells/
http://www.phon.ucl.ac.uk/home/wells/lek.htm
5. Grosse tête de la linguistique aux États-Unis, mais “forte tête” aussi face au pouvoir “politiquement correct”.

6. http://www.aiic.net/ViewPage.cfm/article253.htm
"Bref plaidoyer en faveur d’un pessimisme bien tempéré sur l’actuelle suprématie de la langue anglaise".


Autres liens

Caractéristiques comparées de l’anglais et de l’espéranto / Comparative characteristics of English and Esperanto (FR, EN, ZH) :
http://www.esperanto-sat.info/article190.html
“Killer Language” ou langage qui leurre ? :
http://www.esperanto-sat.info/article1066.html
Is English a new Esperanto ?
http://www.esperanto-sat.info/article352.html
‘English to transform the students’ whole world’ (EN, FR, EO)
http://www.esperanto-sat.info/article609.html
Universal language requirement
http://www.esperanto-sat.info/article353.html
A linguistic challenge (EN)
http://www.esperanto-sat.info/article350.html
The English Advantage (EN, FE, EO)
http://www.esperanto-sat.info/article600.html