Lorsque le meilleur devient l’ennemi du bien…

Publié le sabato 21a aŭgusto 2004 , mis a jour le vendredo 21a septembro 2007

L’idée de proposer une langue meilleure que l’espéranto serait certes louable et acceptable s’il s’agissait d’un progrès significatif et très net sous tous les aspects. Or, sur le plan linguistique, il vient un moment où ce qui est gagné d’un côté se fait, de l’autre, au prix d’une perte. C’est creuser un trou pour en boucher un autre.
La « réformite » est la maladie qui a touché tous les projets de langues construites à partir du moment où ils sont sortis des cartons : le Volapük de Johann-Martin Schleyer, l’Interlingua de Giuseppe Peano (une douzaine de dérivés), etc.. L’espéranto n’y a pas échappé, mais il en a survécu, s’est enraciné, enrichi, renforcé. L’Ido a connu, bien plus vite que l’espéranto, ses propres maniaques de la réforme. Son cheminement a été jalonné par une abondante floraison de projets de langues prétendument toutes plus “parfaites“ les unes que les autres… si parfaites qu’aucune n’a survécu. Du Dutalingue (dès 1908 !) au Kosmolinguo (1956) en passant par le Romanizat (1909, du prof. R.F. Brandt, qui revint ensuite à l’espéranto…), 1’Italico (1909), 1’Etem (1917), le Medial (1923-25), l’Ido Avancit (1925), l’Ido Novializat (1928),1’Aliq (1930), le Sintesal (1931), le Mondal (1949), etc., on trouve ainsi pas moins d’une vingtaine d’avortons de ce pastiche de l’espéranto qu’est l’Ido. C’est au moins un point sur lequel Beaufront avait eu un moment de lucidité : “tout nouveau système ne pourrait l’égaler qu’en le pastichant d’une manière évidente, ou plutôt en l’imitant complètement (…) : on ne nous donnera pas mieux.“

Effectivement. Il est douteux que Wilhelm Ostwald, souvent cité par les idistes comme l’un des plus fermes soutiens de l’Ido, en fut satisfait, puisqu’il fit valoir des problèmes de santé pour se retirer de la présidence de la Commission de la Délégation, et, en 1916, il proposa lui-même une langue allemande mondiale ( !) : le Weltdeutsch. Dix ans plus tard, dans le quotidien Vossische Zeitung du 29 septembre 1926, il s’exprima sur la nécessité de créer une nouvelle langue internationale… Peut-être s’est-il rendu compte alors que l’appui financier important qu’il avait accordé à Couturat et à l’Ido avec l’argent de son prix Nobel aurait pu trouver un meilleur usage. Conclusion possible : le prix Nobel ne met pas à l’abri d’erreurs de jugement et n’immunise pas contre l’égarement. Ostwald mourut en 1932, trop tôt pour avoir des échos sur la conférence internationale qui eut lieu du 14 au 17 mai 1937 à Paris dans le cadre de l’Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne. Une section importante y fut consacrée à “L’espéranto dans la vie moderne“ sous le patronage d’Albert Lebrun, président de la république. Le rapport fut publié sous forme d’un livre de 142 pages traitant de l’application de l’espéranto dans divers domaines : Enseignement et éducation scolaires — Sciences pures et appliquées — Échanges commerciaux internationaux — Échanges intellectuels. La section “La langue auxiliaire dans les sciences“ fut présidée par Aimé Cotton, vice-président de l’Académie des sciences, lui-même espérantiste. A cette époque, où l’Ido déclinait au profit de l’Occidental, qui allait décliner à son tour à partir de 1950, lors de l’apparition de l’Interlingua, la résolution de la séance plénière montre de toute évidence qu’Ostwald avait sous-estimé le rôle possible de l’espéranto :
La Conférence, considérant que les Etats modernes ont besoin d’un moyen facile d’intercompréhension et que la Langue Auxiliaire Esperanto possède toutes les qualités nécessaires pour remplir ce rôle,
Demande aux Gouvernements des divers Etats d’introduire à titre obligatoire l’étude de la L.E.
[Langue Espéranto] dans les classes primaires (de 12 à 14 ans), cette étude donnant à l’élève une meilleure connaissance de sa langue maternelle et la possibilité d’entrer en contact avec le monde entier, développant le goût de la géographie, et étant par surcroît une excellente préparation pour l’étude des langues vivantes dans l’enseignement secondaire.

Officier de la marine de l’armée du tsar, puis enseignant de mathématiques dans un lycée d’Estonie, transfuge du volapük, Edgar von Wahl s’était rallié à l’espéranto, puis à l’Ido pour proposer ensuite l’Auli (Auxiliari Lingue International), puis participer à la réforme de l’Idiom Neutral [1] en 1912 et enfin créer son propre projet, l’Occidental, en 1922 ! La plupart de ses recrues furent des déçus de l’Ido. Et comme le monde oriental ne pouvait guère se sentir concerné par un tel nom, l’Occidental fut nommé ultérieurement Interlingue !… Et pour montrer que rien n’est simple dans le monde des inventeurs de langues destinées à simplifier la vie, ajoutons que le nom Interlingue avait déjà été pris par le magicien et oculiste italien Aldo Lavagnini, auteur de l’Unilingue (1921-23), Roberto Triola, l’auteur de l’Italico (1909) et par le prêtre luxembourgeois G. Pinth qui, après avoir migré du volapük à l’Idiom Neutral, puis à l’Ido, et appartenu à l’Académie de l’Interlingua de Peano, en 1914, apporta des retouches à celui-ci ! À propos du magicien, Drezen écrit : “E de Wahl a tout à fait raison en disant que, par son projet, Lavagnini a réussi à compliquer la langue dans ses formes verbales tellement que les langues sanskrite, celte et grecque antiques n’étaient pas aussi compliquées. “ Mais le propre de la magie n’est-il pas, selon le Petit Robert, “L’art de produire, par des procédés occultes, des phénomènes inexplicables ou qui semblent tels“ ? Dans un tel imbroglio, il est compréhensible que le profane soit vulnérable face à l’argumentation des idistes… Dans son Historio de la Mondlingvo [2] (p. 212), Ernest Drezen mentionne le projet élaboré sur la base de langues européennes par le Japonais Asajiro Oka, ex-professeur à l’école supérieure de pédagogie de Tokyo et biologiste renommé, sous le nom Zilengo et indique qu’il “ressemblait un peu à l’espéranto“ et que “au temps où il travaillait sur le projet, vers 1890, le Dr Oka connaissait le volapük mais ne savait encore rien sur l’apparition de l’espéranto“. Le Dr Oka fut ensuite le premier Japonais à se rallier à l’espéranto, dès 1891. Ceci ne manque pas d’intérêt du fait que le japonais et l’espéranto ont une caractéristique commune : celle d’être des langues agglutinantes.
Quant au très éminent professeur danois Otto Jespersen, il déserta les rangs idistes pour tenter de lancer le Novial en 1928. Or le Novial, intermédiaire entre l’Ido et l’Occidental, eut encore moins de succès que ces deux tentatives... Et puis, en 1935, Jespersen consentit quelques réformes de l’orthographe pour faire évoluer son projet vers plus de naturalisme. Le Novial n’a pas survécu à son illustre auteur décédé en 1943. L’impartial W.J.A. Manders a retracé le parcours interlinguistique de Jespersen et livré cet éclairage tout à fait intéressant : “Son activité interlinguistique a commencé en 1907, lorsque, avec le linguiste Baudoin de Courtenay, il devint membre du Comité de la Délégation qui, à l’initiative de Couturat et Leau, devait choisir la langue construite définitive. Il en résulta la naissance de l’Ido. Jespersen devint président de l’Académie de l’Ido et, dans la revue Progreso , il participa activement aux discussions qui visaient une amélioration constante de la langue. Mais après quelques années, son activité cessa subitement , en partie parce qu’il était mécontent de la manière dont Couturat et les autres voulaient faire évoluer l’ido, mais surtout parce qu’il suspectait que Couturat — dont le rôle intrigant durant la période du Comité ne lui apparut clairement que par la suite — exploitait de façon rusée son autorité, et ne le considérait que comme une marionnette . [3]

On peut dire que l’Ido, d’une certaine manière, a accentué la dérive naturaliste en inspirant d’autres projets qui l’ont finalement affaibli et supplanté, notamment l’Interlingua du professeur Alexander Gode, faussement attribué à l’International Auxiliary Language Association (IALA, 1951). L’erreur de Gode est d’avoir cru à l’intérêt d’une langue qu’il destinait en fait surtout à la communication scientifique pour un usage passif (compréhension orale et écrite, par exemple pour des résumés d’articles scientifiques) et non actif (expression orale et écrite). Or, l’usage essentiel d’une langue internationale digne de ce nom est l’équilibre entre l’usage passif et actif. Ceci revenait à en faire une langue pour comprendre les ordres, pour obéir et pour s’abstenir d’émettre un avis ou une critique. C’est finalement le rôle que joue actuellement l’anglais dans lequel ne sont réellement à l’aise et sûrs d’eux-mêmes que les natifs anglophones…
Frère du célèbre Ferdinand de Saussure, mathématicien et professeur d’université, René de Saussure, défendit l’espéranto contre les attaques idistes et créa même une monnaie espérantiste nommée Spesmilo. Par la suite, il se lança sans succès dans des tentatives de concilier l’espéranto et l’Ido sous le nom global Konkordio : Antido I (1907), Antido II (1910), Lingvo Kosmopolita (1912-1913), Esperantida (1919), Nov-Esperanto ou Mondialo (1925)…

En 1925, le linguiste et philologue anglais William Edward Collinson (1889-1969) écrivit : “Après une étude approfondie de diverses langues internationales, je ne doute pas du choix de l’espéranto comme celle qui est la plus digne de soutien. Elle est basée sur des principes philologiques sains, un choix prudent quant à la question quelquefois difficile de régularité logique, de nuance délicate et d’exigence euphonique.
L’impression frappante de naturel de l’espéranto et d’unité dans le style est due à mon avis à ce qu’il est né dans le cerveau d’un homme doué d’un très grand talent linguistique ; il n’est pas le compromis stérile d’un comité de scientifiques sans esprit pratique.
Il est surtout remarquable qu’il ait tenu l’épreuve durant l’utilisation pendant de nombreuses années et pleinement rempli ces exigences qu’on attendait de lui. Bien qu’il soit facile à apprendre, une étude patiente et approfondie est rentable.
Le but idéal du mouvement qui veut assurer la reconnaissance de la langue internationale - l’évolution de la fraternité entre les hommes - est clair en soi et se passe de commentaire“. [4]

Polyglotte, le biologiste Serge Tchakhotine, qui connaissait aussi l’espéranto et l’Ido, a écrit dans son ouvrage magistral Le viol des foules par la propagande politique [5], paru en 1967 : “Il est clair que la nation dont la langue serait reconnue comme universelle, acquerrait des avantages économiques, culturels et politiques sur toutes les autres. Mais l’inertie et l’esprit conservateur des gouvernants de presque tous les pays empêche encore que l’Espéranto puisse devenir la langue auxiliaire mondiale.” Lors d’une visite au club des travailleurs espérantistes de Copenhague, en 1934, il avait déjà voulu remercier les espérantistes allemands de l’avoir beaucoup aidé dans son travail de propagande anti-nazie [6].

Les aspects linguistiques ne sont pour rien dans le refus de l’espéranto. En supposant qu’une langue parfaite pour tous les peuples puisse être inventée, elle serait rejetée de la même façon car, comme le rappelle Umberto Eco : “Parmi toutes les objections, celle qu’avait déjà formulée Fontenelle, à laquelle fait écho le discours d’introduction de D’Alembert à l’ Encyclopédie , sur l’égoïsme des gouvernements, qui ne se sont jamais distingués dans la détermination de ce qui était bon pour l’ensemble de la société humaine, est encore valable. [7] “. Ensuite, il n’y a rien de tel que des coupeurs de cheveux en quatre pour assassiner une belle idée. Le professeur Waringhien, linguiste érudit, qui s’était penché dès son jeune âge sur l’espéranto, a écrit à juste titre : “Cela prouve que l’on peut être un excellent anatomiste et un mauvais accoucheur, et que ni l’érudition ni la prétention n’ont jamais remplacé l’amour”. On pourrait paraphraser Voltaire et Clemenceau en disant que la communication linguistique est une chose trop grave pour la laisser aux seuls linguistes [8].
Il y a quelques années, le professeur André Martinet, linguiste de renommée mondiale, qui avait pourtant participé aux travaux de l’IALA, et qui avait lui-même claqué la porte de cette association avec d’autres linguistes après s’être rendu compte que le projet Interlingua était en fait l’oeuvre du professeur Alexander Gode lui seul et non de cet aréopage de linguistes qu’était l’IALA, avait comparé l’espéranto face à l’anglais sans même faire mention d’autres tentatives comme l’Ido, l’Interlingue (Occidental), l’Interlingua ou autres, ni même du Novial de son éminent confrère Otto Jespersen : “Le problème d’une langue de communication internationale se présente actuellement comme un conflit entre une langue planifiée, l’espéranto, au sujet de laquelle on sait qu’elle fonctionne de façon satisfaisante pour ses utilisateurs, et une langue nationale hégémonique qui, comme nous le savons tous, est l’anglais.“

Vouloir réformer une langue construite qui fonctionne, qui donne satisfaction, dont les applications ne cessent de se développer à travers le monde, ou affirmer qu’il existe un “espéranto amélioré”, un “espéranto réformé”, une “alternative à l’espéranto”, etc., c’est créer les conditions d’un discrédit définitif de l’idée de langue internationale construite qui avait déjà beaucoup souffert de l’échec du volapük. C’est donc mettre cette idée en péril. Tout ceci peut paraître dérisoire pour ceux qui prônent l’anglais dans le rôle de langue internationale sans se rendre compte des conséquences de ce prétendu choix. Il est évident que les gens n’iront pas vers une langue construite si l’on prétend tous les quinze ou vingt ans qu’elle vient d’être “améliorée“, qu’une langue encore plus parfaite vient de sortir, ou, de temps à autre, qu’il ne faut plus utiliser tel ou tel mot ou telle ou telle forme, mais tel(le) autre. L’espéranto fonctionne de manière satisfaisante, et c’est un fait qui avait été reconnu dès 1918 (donc encore après l’apparition de l’Ido) par le professeur Antoine Meillet et qui l’est toujours. Ainsi, lors d’une conférence présentée à Valenciennes en 1993, Claude Hagège avait dit de l’espéranto : “C’est dans sa facture une langue que l’on peut considérer comme une des grandes langues de l’Europe”.(…) Je pense que l’espéranto est une solution parmi d’autres, et qu’il pourrait avoir pour lui l’avantage, sérieux, à savoir que, contrairement à n’importe laquelle des langues de vocation européenne, il n’est pas, lui, précédé ou suivi d’un engagement politique et national. C’est la langue d’aucune nation, d’aucun État. Et c’était du reste l’idée de son inventeur, Zamenhof (…), en 1887, l’avait dit dès cette époque, quand il a publié (…) le premier livre qui proposait l’espéranto. On le sait depuis longtemps donc, l’espéranto a pour lui, avait pour lui, a toujours pour lui, de ne pas être la langue d’une nation et d’un peuple, encore moins d’un État au sens hégélien du terme, ce qui sont des traits plutôt favorables.”

Les obstacles qui se sont opposés et s’opposent encore à sa progression n’ont rien à voir avec ses aspects linguistiques — comme l’a rappelé le professeur Umberto Eco en diverses occasions : ils sont bel et bien politiques. Un examen approfondi de l’histoire de l’espéranto montre que, en supposant qu’une langue parfaite soit du domaine du possible, si une telle langue avait été proposée, elle se serait heurtée à la même (dé)raison d’État. Il suffit de penser aux persécutions et chicanes subies par l’espéranto sous des régimes pas seulement totalitaires [9] mais aussi, à des déclarations relativement récentes telles que celle de Margaret Thatcher :
"Au XXIème siècle, le pouvoir dominant est l’Amérique, le langage dominant est l’anglais, le modèle économique dominant est le capitalisme anglo-saxon." [10]
ou des propos tels que ceux de David Rothkopf, directeur général du cabinet de consultants Kissinger Associates : "Il y va de l’intérêt économique et politique des États-Unis de veiller à ce que, si le monde adopte une langue commune, ce soit l’anglais ; que, s’il s’oriente vers des normes communes en matière de télécommunications, de sécurité et de qualité, ces normes soient américaines ; que, si ses différentes parties sont reliées par la télévision, la radio et la musique, les programmes soient américains ; et que, si s’élaborent des valeurs communes, ce soient des valeurs dans lesquelles les Américains se reconnaissent." [11]
ou de Madeleine Allbright, secrétaire d’État de Bill Clinton : "L’un des objectifs majeurs de notre gouvernement est de s’assurer que les intérêts économiques des États-Unis pourront être étendus à l’échelle planétaire." [12]

Est-il besoin d’en rajouter ? Il est clair que l’équité dans la communication linguistique, point de départ de l’équité dans les autres domaines, n’est pas le premier souci de ceux qui mènent le monde
L’Ido n’est donc pas un “espéranto réformé” ou “amélioré” comme le prétendent les idistes, mais un pastiche (selon les termes de Beaufront) vidé de l’essentiel de l’esprit dont l’espéranto est porteur (l’« idée interne ») et à qui il doit en grande partie d’avoir survécu aux pires régimes politiques. Couturat et ses disciples ont peut-être espéré qu’une langue sans âme convaincrait et attirerait le monde scientifique, commercial et autres milieux insensibles à tout idéal. Leur espoir a été vain. Voir aussi Claude Piron : "Ido ou espéranto ?".

Il faut admettre honnêtement que, linguistiquement, l’espéranto n’est pas parfait, mais la perfection ne peut exister en matière de langues. Il a cependant atteint un stade où il devient difficile de faire mieux, à tel point que tous les projets qui ont été lancés par la suite autour de lui ont échoué eux aussi, y compris les projets dits “naturalistes“, comme l’Interlingua. Alors qu’il est parfois injustement reproché à l’espéranto d’être trop occidental ou européen, l’Ido, et à plus forte raison les autres projets qui ont suivi, représente une régression sur le plan de l’équité linguistique [13]. Une langue parfaite, au sens philosophique comme au sens linguistique, est illusoire. Quiconque veut faire des recherches à ce sujet lira avec profit l’ouvrage La recherche de la langue parfaite [14] d’Umberto Eco, professeur au Collège de France et qui existe d’ailleurs aussi en traduction espéranto. Il s’agit du sujet qu’il avait traité dans le cadre d’un cours au Collège de France.

L’espéranto a en effet une noblesse et un prestige que l’Ido n’a pas. Pour Zamenhof, l’espéranto devait être porteur de valeurs humanistes, ce qui était en dehors des préoccupation de Louis Couturat tout autant que de Beaufront. Il suffit de lire les œuvres et discours de Zamenhof pour découvrir la différence.

La valeur de l’espéranto est reconnue par l’Onu et l’Unesco qui en ont fait usage en diverses occasions. Il n’y a jamais rien eu de tel pour l’Ido. Quand bien même celui-ci représenterait une réelle amélioration, ce qui n’est pas le cas, il y aurait tout de même lieu de dire non à l’Ido en raison de ses origines obscures, entachées de principes malhonnêtes. Donc, de quelque point de vue que l’on se place — linguistique, stratégique, éthique — il est clair que, plaider pour l’Ido, c’est idiot. Il est en effet absurde, alors que l’espéranto est solidement enraciné, de chercher à remédier au babélisme par une superposition de langues construites qui se concurrenceraient les unes les autres sans apporter un progrès réel et qui feraient apparaître l’idée même de langue internationale construite comme farfelue et utopique comme le croient déjà trop de personnes mal informées, y compris bon nombre d’intellectuels. Ajouter de la confusion à une confusion déjà lourde de conséquences, et ceci à partir de bases aussi bancales, ne saurait être l’expression de la sagesse. Ce que certains idistes baptisent aujourd’hui “le système IDO“ est donc tout simplement un système idiot.

Exemples de documents publiés par l’Unesco...
En français et en espéranto, brochures de présentation de l’Unesco : ce qu’est cette organisation, ce qu’elle fait, comment elle fonctionne.
... et l’Onu :
La Charte des Nations Unies et le statut de la Cour Internationale de Justice en traduction espéranto.

Lors d’une conférence prononcée à Bruxelles en espéranto, alors qu’il était ambassadeur d’Australie en Belgique, Ralph Lindsay Harry confirma ainsi la valeur juridique internationale de l’espéranto : “Lorsqu’on me demande si la Langue Internationale est assez précise, assez riche en nuances pour fonctionner comme langue diplomatique, je n’hésite pas. Il existe des traductions excellentes et très précises de quelques traités, déclarations et résolutions - et même des rapports officiels sur les activités des Nations Unies. Il y a des diplomates qui utilisent constamment la langue. J’ai conversé et échangé des correspondances avec quelques ambassadeurs, consuls généraux et conseillers.
Ralph Harry, qui fut successivement ambassadeur d’Australie à Paris, Genève, Singapour, Bruxelles, Rio de Janeiro, Saïgon, Bonn et enfin à l’ONU, reconnut que l’espéranto lui avait procuré des contacts moins superficiels, plus intimes et plus chaleureux avec les gens du pays qu’avec les milieux qu’il fréquentait habituellement. Il avait aussi prononcé un message en anglais et espéranto pour la sonde spatiale Voyager II lancée dans l’espace en 1977 par la NASA et qui a franchi les limites du système solaire le 28 juin 1993.

Dans une allocution proncée le 16 décembre 1986 à la maison de l’UNESCO, à Paris, pour lancer la célébration du centenaire de la naissance de l’espéranto, en 1987, l’ancien directeur général de l’UNESCO, Amadou-Mahtar M’Bow, avait souligné dans ces termes une vision encore trop méconnue de la Langue Internationale : “L’espéranto s’inscrit donc au coeur d’une problématique des plus vivantes et des plus actuelles, celle des voies et des moyens de rapprocher les peuples et les cultures du monde à travers une langue auxiliaire à vocation universelle, qui coexiste avec toutes les langues nationales et locales sans en menacer aucune. Mais j’ajouterai aussi que cet aspect linguistique s’intègre dans une vision humaniste beaucoup plus large et c’est ce qui fait toute l’originalité du mouvement espérantiste.