Rupture ?

Publié le vendredi 1er juin 2007 , mis a jour le mercredi 30 mai 2007

“Plus d’égalité des chances”


Ces mots figurent sur la profession de foi du candidat Sarkozy reçue par tous les électeurs au second tour des présidentielles.

Il ne peut y avoir égalité des chances avec une langue étrangère qui s’impose de plus en plus lourdement dans notre société comme langue principale. Les citoyens sont inégaux devant elle : c’est le locuteur natif de cette langue (moins de 5% de l’humanité) qui est en position dominante, qui impose son jeu. Le rapport Grin(1) n’a pas été pris en compte par le ministre Gilles de Robien. Peut-être est-ce justement parce qu’il remet en question “la position dominante des anglophones dans toute situation de négociation, de concurrence ou de conflit se déroulant en anglais” et aussi parce qu’il prend l’espéranto en considération : “ Le but de ce rapport n’est pas de défendre cette option [l’espéranto] dans l’absolu, car on sait qu’elle suscite bien souvent des réactions passionnelles ou qu’elle est immédiatement rejetée sans aucun argument, ou sur la base d’arguments d’une assez étonnante ignorance”.

Les réponses opposées par les ministres successifs à l’introduction à part entière de l’espéranto dans l’enseignement, où il n’est admis qu’à titre d’activité socio-éducative basée sur le bénévolat depuis la circulaire de Jean Zay (11 octobre 1938), reprennent et répètent plus où moins les mêmes préjugés du passé. À titre d’exemple, l’article suivant (p. II), intitulé “À quand la rupture avec les préjugés ?”, donne les réponses négatives de deux ministres de gauche, Claude Allègre et Jack Lang, et d’un de droite, Gilles de Robien.

Lorsque Gilles de Robien lui oppose que “L’apprentissage des langues vivantes répond à un double objectif : permettre aux élèves de disposer et d’un outil de communication et d’un vecteur de la découverte du pays où cette langue est en usage”, il ne tient pas compte du fait que l’espéranto représente l’excellence pour le premier objectif et que, pour le second, il n’a rien à envier à l’anglais qui est en fait quasiment la seule langue étrangère admise — à quel coût ?— dans tous les établissements d’enseignement. L’espéranto est le vecteur le plus rapide et aisé à apprendre pour la découverte de TOUS les pays.

L’un des plus éminents linguistes du siècle dernier, Antoine Meillet (1866-1936), membre de l’Institut, professeur au Collège de France, avait écrit dans “Les langues dans l’Europe nouvelle” : “Si l’apprentissage des langues étrangères est poussé à fond de manière à profiter à l’esprit, il demande un temps immense. S’il est superficiel, il n’apporte rien à la culture intellectuelle.”(2)

L’Europe a bien changé mais cette constatation est toujours valable.
De tous les candidats que nous avons eus au premier tour des présidentielles de 2007, aucun ne brille en matière de langues, comme l’ont rapporté “Le Monde” et “La Presse” (Québec, voir “L’art de tirer la langue” en p. III).

L’espéranto, c’est le latin de la démocratie

Émile BOIRAC (1851-1917). Recteur de l’Académie de Grenoble en 1898 et de Dijon en 1902, professeur agrégé de philosophie, auteur d’ouvrages sur la psychologie, président du Comité Linguistique (ancêtre de l’Académie d’Espéranto).

“Une démocratie irréprochable”

Nicolas Sarkozy a proposé “une démocratie irréprochable”. S’il est vrai que le français est “la langue de la République”, chacun peut constater une intrusion de plus en plus poussée de l’anglais en France, y compris sur le site de... la Présidence ! En effet, l’adresse <http://www.elysee.fr> conduit d’abord à une page en anglais ! La démocratie ne peut exister là où des citoyens, à la fois Français et Européens, ne sont pas en mesure de dialoguer directement, sans le recours à des interprètes.

C’est pure illusion de croire que l’interprétation est supérieure à l’espéranto, une langue dont la maîtrise est possible dès le cadre scolaire sans un grand effort budgétaire et sans surcharge des programmes puisque, comme l’a rappelé récemment le prix Nobel Reinhardt Selten : “il est plus favorable d’apprendre l’espéranto en premier”.

Un autre invité, qui a aussi participé à l’accueil au Parlement européen de prix Nobel, à l’occasion de la Journée de l’Europe, le prof. Martinus Veltman, qui a l’habitude de travailler en deux langues, l’anglais et le français, au CERN (Centre Européen de la Recherche Nucléaire), a déclaré que “les 23 langues utilisées au Parlement conduisent à une « déperdition des messages »”.

Alors ?

Henri Masson