Trois langues pour le prix de deux

Publié le dimanĉo 11a novembro 2007 , mis a jour le lundo 12a novembro 2007

Voici les chiffres et remarques que j’ai pu obtenir de Christian Lavarenne (docteur ès lettres et sciences humaines et doctorant en histoire contemporaine — universités de Grenoble et d’Amsterdam —, sur l’idée interne de l’espéranto (à travers donc, entre autres, sa littérature originale) pour la période de 1961 à 1997. C’est la somme de tous les diplômes obtenus :

Examens de l’Institut Français d’Espéranto

Colonne 2 : Diplômés (somme de tous les diplômés)
Colonne 3 : Examinés (y compris ceux qui ont échoué)
*en temps de guerre [donc 1940-1943 ?]
** du 22-4-56 au 22-4-58 [donc en 2 ans]

Années diplomés FEI FEI-examinés
1934 364
1935 530
1936 640
1937 620
1938 825
1939 830
1940
1941
1942
1943 233*
1944
1945
1946 392
1947
1948
1949
1950
1951
1952
1953
1954
1955 258
1956 420**
1957
1958
1959
1960
1961 295
1962 313
1963 258
1964 272
1965 226
1966 240
1967 270
1968 146
1969 228
1970 237
1971 240
1972 239
1973 192
1974 162
1975 142
1976 152
1977 175
1978 168
1979 175
1980 156
1981 181
1982 161
1983 211
1984 125
1985 146
1986 97
1987 149
1988 126
1989 239
1990 250
1991 214
1992 181
1993 163 178
1994 106 123
1995 142
1996 110 114
1997 105 119

Les nombres importants des 6 premières années ci-contre s’expliquent par le fait que l’Institut venait juste d’être fondé, on peut donc supposer que beaucoup d’espérantistes de longue date ont massivement passé les examens, et même plusieurs degrés en même temps ou à la suite. Les nombres suivants représentent la progression réelle des nouveaux espérantistes. Les chiffres des dix dernières années manquent pour l’instant.
Et voici les dernières statistiques décennales disponibles (sur http://www.esperanto.hu/hu-lernejo.htm ) à propos du nombre d’inscriptions aux examens d’espéranto reconnus par l’État sur l’ensemble de la Hongrie :

Année

élémentaire

moyen

supérieur

total

1995 8 576 18 602
1996 25 485 11 521
1997 29 512 4 545
1998 50 509 5 564
1999 113 462 8 583
2000 168 1455 4 1627
2001 295 1721 26 2042
2002 1000 5877 210 7087
2003 1239 4102 208 5549
2004 1041 4655 252 5948

total

3968 20.354 746 25.058

Il suffirait donc que l’espéranto soit accepté au bac pour qu’on assiste à un essor sans doute remarquable du nombre de personnes se présentant aux
examens, en raison de l’utilité qu’ils auraient acquise.

Autres renseignements transmis par François Lo Jacomo, informaticien et mathématicien, qui a été directeur du FEI :

"A l’époque où j’étais moi-même directeur des examens d’espéranto, ces statistiques étaient publiées chaque année, et on peut encore les trouver à Bouresse (près de Poitiers) où les archives de l’Institut Français d’Espéranto fournissent des renseignements assez précis sur ces examens et la liste de tous les candidats depuis plus de soixante ans. Cela représente une dizaine de mètres d’étagères (les archives nationales ont pour unité de mesure le kilomètre d’étagères).

L’année où il y a eu le plus d’examens, si ma mémoire est bonne, est 1988 ou 1989, où nous avons eu 300 candidats. En temps normal, il y avait entre 100 et 200 candidats. Le premier niveau représentait environ 70% des candidats, puis plus de 20% pour le deuxième degré, et quelques candidats des examens de niveau supérieur. Je suis d’accord qu’il faudrait un document à jour et une publication régulière de tels chiffres, mais j’ai démissionné de l’Institut car je n’étais pas disponible pour faire ce travail, et je ne sais pas s’il a été fait depuis. Toutefois, j’ai moi-même été, ces toutes dernières années, dans deux jurys de “Diplomo pri Altaj Esperantaj Studoj”, alors que précédemment les sessions étaient plus espacées (j’en avais fait passer un en 1991, j’ai passé le mien en 1987 et la session précédente remonte à 1965).
Si l’espéranto pouvait être choisi comme langue à option au baccalauréat, dès les premières années on peut s’attendre à des dizaines de candidats, et assez vite à des centaines. En Hongrie, il y en a maintenant des milliers par an, alors qu’ils sont six fois moins peuplés que nous. Beaucoup des quarante langues (ou plus) que l’on peut choisir actuellement au baccalauréat ont moins de candidats que cela : on peut donc s’attendre à ce que l’espéranto soit parmi les dix ou vingt langues les plus choisies."

Donc, en conclusion, pour traiter sinon “scientifiquement”, du moins sérieusement, une telle question, il faut avoir des éléments de comparaison.

1. En France, l’espéranto n’est pas proposé, même à titre facultatif ou optionnel, dans le système d’enseignement, pas même aux examens.

2. Son enseignement est dispensé par des bénévoles pas forcément qualifiés, souvent sans formation pédagogique, et non des professionnels salariés pratiquant quotidiennement cet enseignement et tenus de livrer des statistiques aux académies qui transmettent elles-mêmes au ministère de l’EN. Rien de tout ça pour l’espéranto.

Obtenir des statistiques sur les diplômés de l’espéranto n’est pas chose facile vu que le travail de suivi est fait par des bénévoles qui ont le temps ou qui ne l’ont pas de livrer des informations. Je sais de ma propre expérience comme secrétaire du groupe parisien de SAT-Amikaro (jusqu’en 1995), secrétaire général de SAT-Amikaro, et aussi maintenant comme président d’Espéranto-Vendée, que je n’ai jamais connu les statistiques des diplômés de ces associations ou groupes. Il n’était déjà pas facile d’obtenir les informations sur les cours de la part des animateurs, et, dans sa statistique des cours officiels d’espéranto dans l’enseignement supérieur à travers le monde, Germain Pirlot (Ostende) s’est toujours heurté à ce même problème, même depuis qu’Internet s’est popularisé : http://www.esperanto-sat.info/article724.html

Je n’ai moi-même que les diplômes “Atesto pri lernado" et "Atesto pri praktika lernado”. Malgré tout, j’encourage les locuteurs de la langue à passer ces examens. Je précise qu’il ne s’agit pas de certificats de complaisance : ils sont difficiles et j’ai moi-même toujours insisté pour qu’il en soit ainsi. Il ne s’agit pas de faire plaisir mais d’élever le niveau de la pratique tout en renforçant le sentiment de fierté.

Et pourtant, malgré des conditions loin d’être aussi favorables, le professeur Umberto Eco a pu dire en plaisantant : “Voyez, on a enseigné l’espéranto à moitié, dans de très mauvaises conditions durant quelques décennies, et voici que des hommes s’aiment en espéranto. On a enseigné le latin durant des siècles très intensivement, mais vous pouvez être certain que même un prêtre et une religieuse, s’ils font l’amour, ne l’utilisent pas dans une telle circonstance. Concluez vous-même !" (à la revue “L’esperanto”, Italie, 9/1993)

3. Aucune entreprise ne demande un diplôme d’espéranto alors que c’est fréquemment exigé pour d’autres langues, en premier lieu l’anglais. Donc la motivation pour passer des examens est autrement moins forte.

4. L’organisation de sessions d’examens n’est pas toujours chose facile car elle nécessite la disponibilité d’espérantistes habilités. Se déplacer sur les centres de Baugé ou Bouresse n’est pas non plus idéal pour beaucoup d’examinateurs comme de candidats potentiels. Donc, dans un cas comme dans l’autre, on en vient à “laisser tomber”... De tels problèmes n’existent pas dans le cadre de l’EN.

Jusqu’à maintenant, la situation est très différente d’un pays à l’autre. En Chine, rien ne s’y oppose et ça marche bien malgré que l’espéranto ne soit pas la langue du “business”. La Corée est en bonne position aussi. À signaler une expérience très intéressante et instructive qui se déroule en Angleterre : “Springboard... to languages”. Introduction de la présentation : le "tremplin... aux langues" est un un au programme souple de quatre ans qui offre une introduction unique aux langues étrangères au moyen de la langue internationale espéranto, simple, régulière, internationale. C’est une préparation idéale pour apprendre d’autres langues et elle aide la transition au KS3* ; elle se prête aux activités interdisciplinaires et au travail de l’instruction KS2* et de la capacité de calculer, et elle est particulièrement appropriée pour les professeurs sans spécialisation des langues étrangères dans les écoles primaires.

La différence, c’est qu’en France, pays des veaux (dixit de Gaulle !) et pays dévôt à l’anglais (Sarko en tête !), l’espéranto n’est pas reconnu par l’Éducation nationale.

Au championnat des préjugés, on est les plus forts : cocoricouac !
Et, ce qu’ignore sans doute Sarko, ce sont les Hongrois qui nous mettent la pâtée !

* KS2-KS3 (Key Stage 2) = quatre années scolaires de la 3ème à la 6ème (les enfants ont 7 ans au début de leur 3ème année scolaire). Le KS3 fait suite au KS2 et inclut les trois année suivantes, de la 7ème à la 9ème, pour les élèves de 11 à 14 ans.