Un haut-lieu de l’espéranto

Publié le lundo 23a majo 2005 par admin_sat

C’est en effet cette ville qui accueillit pour la première fois, voici un siècle, un congrès dont la langue de travail devait être l’espéranto.

Jusqu’alors méconnue, pratiquée surtout par écrit ou parlée occasionnellement avec des correspondants lors de voyages individuels, déjà critiquée comme une création artificielle
non viable, déjà qualifiée de mort-née, cette langue devait passer l’épreuve du feu Le succès fut au rendez-vous. Il dépassa de très loin les espoirs. Avec 20 nations représentées, l’espéranto se révéla tout à fait apte à
susciter tout ce qu’il y a de plus naturel : le
goût des échanges, la soif de découverte, la joie et l’émotion jusqu’aux larmes.

Et ça continue. Malgré le fait que les deux guerres mondiales ont empêché le déroulement de semblables manifestations annuelles, on en est aujourd’hui au 90ème congrès universel d’espéranto qui sera accueilli cet été à
Vilnius, en Lituanie.

Cent ans après, les représentants officiels présents lors de la Rencontre internationale Boulogne-Espéranto 2005 ont tous reconnu la beauté de l’idée et de l’action en sa faveur, y compris le représentant de l’État, M. Hervé
Malherbe, sous-préfet de Boulogne-sur-Mer : “Vous, au-delà de la langue, ce sont des idéaux que vous défendez. Ce sont des idéaux d’humanisme, de solidarité entre les hommes
dans ce monde troublé qui est le nôtre. Ils
sont tout aussi valables maintenant à défendre
qu’ils l’étaient pendant le 20ème siècle et les grandes confrontations mondiales. Et je crois qu’il faut là aussi continuer bien évidemment à les défendre.
” Après avoir constaté qu’il n’y avait pas eu de représentant du corps
préfectoral en 1905 et que, de ce fait, il innovait
une nouvelle période, il a conclu : “Je crois fondamentalement aux espoirs que vous formulez à partir de cette langue que vous souhaiteriez universelle. Je ne sais pas si elle le deviendra un jour — c’est l’Histoire qui
tranche ces choses-là — mais votre combat est juste et soyez fiers de l’avoir mené, et continuez à le mener !
”.

Ex-ministre, député, ancien maire de Boulogne-sur-Mer, président du Conseil Général du Pas-de-Calais, M. Guy Lengagne a rappelé un fait historique qui pourrait apparaître comme un symbole à la fois très fort et
très beau : comme surgissant au milieu d’une ville rasée à 85%, le théâtre Monsigny, où se tenait l’ouverture de cette rencontre et où s’était déjà tenue celle du congrès de 1905, avait été épargné par les bombardements allemands et alliés. Oui, un peu de cette façon, l’espéranto a lui aussi survécu à des tentatives d’éradication, résisté à des formes multiples d’acharnement allant de la bêtise épaisse à la barbarie extrême.

En tant que membre de l’Assemblée des Parlementaires du
Conseil de l’Europe, M. Lengagne a fait part de ses réflexions sur la domination de l’anglais : “Mais cela pose quand même un problème politique de choisir l’anglais comme langue internationale. internationale.
Je le dis car je suis frappé de constater qu’au sein du Conseil de l’Europe, les trois quarts des intervenants, quelle que soit leur nationalité, s’expriment le plus souvent en anglais. Et bien souvent, je me plais à
rêver de retrouver cette langue — et c’était la volonté de Zamenhof — qui ne s’appuyait pas sur une culture particulière, sur un mode de pensée particulier, qui se voulait universelle. Et je regrette qu’effectivement à un moment de son histoire, la France a refusé à la Société
des Nations l’utilisation de l’espéranto. Je crois que c’est extrêmement dommage. Encore une fois, sortant des vicissitudes quotidiennes, pensez à cela : ce n’est pas politiquement neutre que ce soit la langue des Anglais et des Américains qui devienne la langue internationale. Et à
titre personnel, je puis vous assurer que là où je le pourrai, je lutterai pour que l’espéranto soit reconnu comme langue internationale.

Évoquant la construction européenne dans le cadre de
l’enseignement, supérieur M. Bruno Béthouart, de
l’Université de la Côte d’Opale, directeur de la Maison
de la Recherche de Lille, a souligné un parallélisme de la
démarche universitaire en Europe et celle de l’espéranto à
l’échelle mondiale : “une identité culturelle forte mettant en oeuvre la diversité de proposition dans les rapports d’équilibre et d’équité. Nous avons donc là un point commun, partiel mais réel, avec le monde espérantiste.

Le monde commence à observer l’espéranto avec plus d’attention, de curiosité, mais aussi de bienveillance. Il y aura encore des batailles et des actions énergiques à mener, comme l’a cependant reconnu M. Lengagne. Il y a lieu
de redoubler les efforts pour permettre aux peuples de prendre conscience qu’une alternative équitable, économique et efficace appartient au domaine du possible, pour qu’ils
cessent de croire que Babel est une malédiction, une fatalité, qu’il faut se résigner.

Henri Masson