Un petit vélo dans la tête

Publié le mercredi 22 février 2006

Originaires de l’Inde, perfectionnés et transmis par les Arabes, les chiffres que nous utilisons aujourd’hui ont fait l’objet de toutes sortes de critiques et de chicanes. Pas moins de deux siècles ont été nécessaires avant que leur supériorité soit reconnue et que leur usage se répande. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que l’espéranto subisse lui aussi de semblables entraves et soit regardé de haut par certains, même des intellectuels. L’avion, le chemin de fer, l’auto, le téléphone, le gramophone et une multitude d’autres inventions eurent leurs pourfendeurs. Même le vélo eut les siens : “Encore une fantaisie nouvelle, caprice éphémère dont on raffole un jour pour l’abandonner le lendemain.“ (“L’Illustration” 12–06-1869). Dans un numéro de la même année, le rédacteur en chef du "Gaulois" écrivait :“Les vélocipédistes sont des crétins à roulettes“. “Le Journal de France“ en rajoutait une couche : “Il est nécessaire que les autorités mettent fin à ces stupidités dont on ne voit en rien l’avenir“. Pourtant considéré comme le ”père du tour de France”, Henri Desgranges y entrava l’usage du dérailleur pour lequel il éprouvait un profond dédain, démontrant ainsi que la raison est elle-même exposée aux déraillements. Il estimait en effet ces mécanismes : “Juste bons pour les femmes et les asthmatiques’’.

Ce qui est vrai pour les progrès techniques et les améliorations mécaniques l’est aussi, d’une certaine façon, dans le domaine des idées. L’esprit de routine n’admet pas l’évolution, pas même l’amélioration. Il est l’ornière de la pensée. Aujourd’hui, certains nous parlent de l’anglais comme d’un “esperanto de facto” : on n’en discute plus. C’est pour eux LA LANGUE INTERNATIONALE !

Ils l’appellent ainsi alors que ceux qui l’ont comme langue NATIONALE sont dispensés d’un effort supplémentaire et quasiment les seuls à vraiment la maîtriser. Sa maîtrise ne leur coûte rien de plus que ce qui est normal alors que pour tous les autres il s’agit, quoi qu’en ait dit Claude Allègre, d’une langue ÉTRANGÈRE. D’autres prétendent que l’anglais est facile alors que la “Voix de l’Amérique” écrit sur son site qu’"il est difficile maîtriser la langue elle-même et que le recours à des professeurs ou à des écoles peut être très coûteux"... Et il en existe pas moins de 38 variantes reconnues auxquelles s’ajoute maintenant une version ratatinée [1] nommée "globish" qui est la consécration de son échec en tant que langue digne de ce nom.