Une conscience de classe mondiale, luxe ou nécessité ?

Publié le vendredo 3a aprilo 2009 par Vinko , mis a jour le sabato 4a aprilo 2009

"Faire venir les salariés tchèques et slovaques devant l’usine, c’est quelque chose qui a fait discuter dans l’atelier... Les gars étaient étonnés de rencontrer des salariés qui se battent. L’image que l’on a des usines dans ce pays est souvent caricaturale et sert le patronat, ça maintient la pression sur nos salaires et nos conditions de travail. Maintenant, ce qu’on veut, c’est pouvoir maintenir ce lien, malgré la barrière de la langue, pour se tenir au courant de ce qui évolue ici et là-bas..."

Jean-Pierre Mercier, délégué CGT adjoint à PSA Aulnay-sous-Bois (93) [1]

Diviser pour mieux exploiter

En ces temps de crise et de multiplication des luttes, il peut paraître déroutant à certains militants de savoir que certains de leurs camarades consacrent beaucoup d’énergie à entretenir et développer des contacts avec des travailleurs d’autres pays, au détriment d’autres tâches qui pourraient sembler plus prioritaires. Effectivement, à première vue, pas besoin de communication internationale pour se mobiliser contre la privatisation d’une école ou d’un hôpital.

Pourtant, la crise mondiale du capitalisme met plus que jamais en évidence le caractère mondialisé de l’économie, et l’utilité des divisions nationales pour accroître l’exploitation des travailleurs. Les délocalisations ont toujours pour objet de transférer la production dans des pays où une législation sociale moins contraignante permet d’augmenter les marges de profit, voire d’exercer un chantage à l’emploi des deux côtés, comme le souligne Milan Minarech, délégué KOVO sur le site de PSA à Trnava, en Slovaquie, s’adressant à ses camarades français :

"Vous savez, chez nous aussi on explique qu’il faut qu’on accepte telle ou telle dégradation des conditions de travail, sinon la production sera renvoyée en France." [2]

Ce qui est vrai dans l’industrie l’est aussi dans les services, même si le langage employé est plus châtié : les universités sont actuellement privatisées au nom de la compétitivité et de l’harmonisation européenne... par le bas.

Ils délocalisent l’exploitation ? Délocalisons les luttes !

En général, lorsqu’une usine ferme, les travailleurs se mobilisent pour exiger des indemnités décentes, la reprise de l’usine par un autre exploiteur, ou dans le meilleur des cas une prise de contrôle par les travailleurs. Ces revendications, malgré toute leur légitimité, aboutissent rarement. Dans le cas des fermetures sous couvert de délocalisation, une forme d’action complémentaire pourrait être envisagée. Si les travailleurs étaient en contact avec leur collègues du site d’accueil de l’usine à délocaliser, ils pourraient transférer leurs expériences de lutte et leur combattivité aux futurs exploités, par exemple en les encourageant à exiger les mêmes conditions de travail que celles dont eux-mêmes disposaient avant la délocalisation. Des échanges de ce type ont déjà permis aux salariés de PSA de constater que leurs collègues slovaques ont réussi à faire augmenter leurs salaires de 350 à 1020 euros brut depuis 2003 et disposent d’un comité hygiène et sécurité aux marges de manoeuvre bien plus étendues que son équivalent français. Par contre, les salariés de l’usine Molex à Villemur-sur-Tarn n’ont visiblement pas réussi à se mettre en contact avec leurs futurs remplaçants en Slovaquie, où l’usine devrait être délocalisée.

En cas de succès, ce type de mobilisation annulerait à terme l’intérêt des délocalisations pour les patrons. Mais même en cas d’échec, le simple fait de tenter cette prise de contact faciliterait les démarches à la prochaine occasion, et surtout, ancrerait dans les esprits des travailleurs concernés le fait qu’ils ont des intérêts communs avec leurs camarades d’autres pays. Encore faut-il disposer en temps et en heure des contacts nécessaires, ou du temps et des méthodes pour les rechercher efficacement.

SAT, un outil pratique au service des contacts directs entre les travailleurs

L’intérêt fondamental de ces échanges est l’une des raisons d’être de SAT, l’association mondiale anationale des travailleurs espérantistes. Les membres de SAT pratiquent à longueur de temps ce type d’échanges lors de rencontres, ou à travers leurs publications et listes de diffusion, sans être confrontés à "la barrière de la langue". Par exemple, lors du dernier congrès, un syndicaliste espagnol a expliqué à une jeune camarade française, qui venait de raconter comment elle avait lutté pour récupérer une partie de sa paye au noir dans un restaurant, pourquoi il faut systématiquement exiger un contrat de travail, et venir en présence d’un témoin en cas d’accord oral. Au cours d’un autre débat, une camarade bulgare a surpris de nombreux participants en expliquant qu’en Bulgarie, même les hommes et les grand-parents peuvent bénéficier d’un congé parental.

Mais les membres de SAT sont également disponibles pour aider à la mise en contact d’autres militants, qui n’ont pas eu le temps ou la possibilité d’apprendre eux-même l’espéranto, ou qui sont encore débutants. Certains bénéficient d’ores et déjà de ces services. Pour les autres, il suffit de demander...

Vinko Markov