Proposition de loi

Publié le dimanche 10 décembre 2006

N° 1550

ASSEMBLEE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SIXIÈME LEGISLATURE

PREMIERE SESSION ORDINAIRE DE 1979-1980


Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 1979.
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 décembre 1979.

PROPOSITION DE LOI

tendant à inclure la langue internationale Espéranto dans l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur comme langue à option.

(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. JEAN LAURAIN, JEAN-MICHEL BOUCHERON, PHILIPPE MARCHAND, PHILIPPE MADRELLE, MAURICE POURCHON, MICHEL ROCARD, ALAIN VIVIEN

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.


(a) La distribution officielle du document faisant courir les délais de procédure aura lieu le premier jour de séance après le 11 janvier 1980.

(1) Ce groupe est composé de : MM. Andrieu (Haute-Garonne), Aumont, Auroux, Autain, Mme Avice, MM. Gérard Bapt, Bayou, Bêche, Roland, Beix, Daniel Benoist, Besson, Billardon, Billoux, Boucheron, Brugnon, Cambolive, Cellard, Chandernagor, Chénard, Chevènement, JeanPierre Cot, Darinot, Darras, Defferre, Delehedde, Delelis, Denvers, Derosier, Henri Deschamps, Dubedout, Dupilet, Duroure, Emmanuelli, Evin, Fabius, Faugaret, Gilbert Faure, Fillioud, Florian, Forgues, Forni, Franceschi, Gaillard, Garrouste, Gau, Guidoni, Haesebroeck, Hautecœur, Hernu, Houteer, Huguet, Huyghues des Etages, Mme Jacq, MM. Jagoret, Joxe, Labarrère, Laborde, Pierre Lagorce, Laurain, André Laurent, Laurissergues, Lavédrine, Lavielle, Le Drian, Lemoine, Le Pense ; Bernard Madrelle, Philippe Madrelle, Malvy, Manet, Marchand, Masquère, Mauroy, Mellick, Mermaz, Mexandeau, Claude Michel, Henri Michel, Mitterrand, Notebart, Nucci, Pesce, Philibert, Pierret, Pignion, Pistre, Poperen, Pourchon, Prouvost, Quilès, Raymond, Alain Richard, Michel Rocard, Saint-Paul, Sainte-Marie, Santrot, Savary, Sénès, Taddei, Tondon, Vacant, Vidai, Alain Vivien, Claude Wilquin.

(2) MM. Abadie, Baylet, Alain Bonnet, Césaire, Crépeau, Defontaine, Paul Duraffour, Maurice Faure, Julien, François Massot.

Langues étrangères. Enseignement secondaire Enseignement supérieur Espéranto.


EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES,
MESSIEURS,

Le progrès des techniques dans le domaine des transports et de la communication, pour ne citer, à titre d’exemple, que les nouvelles transmissions instantanées à travers le monde par l’intermédiaire des satellites d’intercommunication, montre, de toute évidence, que le rapprochement physique des peuples est un fait accompli.

L’évolution économique du monde tend à la formation de plus vastes unités politiques : telle est l’extension de la communauté européenne. Et pourtant, il subsiste encore un hiatus entre le développement scientifique de caractère universel et le cloisonnement linguistique et moral qui isole les peuples d’une façon plus stricte qu’une frontière.

Si, de nos jours, ce rapprochement physique, économique et politique des peuples s’impose, en effet, chaque jour davantage, il ne se heurte pas moins à la diversité des langues et met en relief le besoin sans cesse croissant d’une langue commune de communication.

Afin de remédier à cette situation, on à pu préconiser, pour des raisons de facilité et d’économie, d’étendre dans l’immédiat l’usage d’une seule langue principale de travail. Mais, le choix de cette langue, qui doit recueillir l’adhésion de tous les Etats et répondre au besoin essentiel d’une communication orale, directe et spontanée entre des hommes de toutes conditions sociales, soulève bien des difficultés.

La première solution qui vient à l’esprit serait de revivifier une langue morte comme le latin. Mais, cette hypothèse ne résiste guère à l’examen une telle langue, déjà délaissée par l’Eglise, est inadaptée aux besoins de la vie moderne ; elle rebuterait tout le monde par ses difficultés grammaticales.

La deuxième solution orienterait le choix sur une langue nationale de grande expansion. Mais, ceci conduirait nécessairement à une discrimination d’autant plus redoutable que le pays dont la langue serait choisie étendrait inévitablement sa suprématie, tant culturelle qu’économique, sur les autres nations. Il ne serait pas raisonnable de croire que les peuples accepteraient de voir leur patrimoine culturel dangereusement menacé et peut-être un jour évincé.

La troisième serait celle d’un bilinguisme de langues nationales, tel le bilinguisme franco-anglais. Mais, en réalité, ce palliatif, suggéré par des circonstances exceptionnelles à la fin de la dernière guerre, suppose un trilinguisme : comment, en effet, un Allemand ayant appris l’anglais comprendrait-il un Italien utilisant le français ? Cette sorte de bilinguisme conduirait donc à une nouvelle discrimination qui entraînerait pour les autres peuples, donc pour la majorité des hommes, la nécessité d’apprendre deux langues étrangères. Et l’on ne voit pas pourquoi d’autres peuples ne chercheraient pas à imposer d’autres « bilinguismes » : russe et allemand, chinois et hindi par exemple ! En outre, une telle solution hybride resterait probablement précaire et certainement dangereuse pour l’avenir de ces deux langues, car il serait à craindre que l’une d’elles supplante l’autre (ce qui ramènerait les inconvénients de la deuxième solution) ou bien que mutuellement elles se contaminent peu à peu, se désintègrent et essaiment en divers jargons tels que le « franglais ».

Aussi la meilleure solution est-elle l’usage d’une langue internationale qui le soit par nature et par destination, d’une langue d’un emploi facile pour tous les hommes et qui, de ce fait, serait immunisée contre les influences des langues nationales.

Cette solution donne tout son sens au seul vrai bilinguisme valable pour tous les hommes :

- langue nationale au sein de la communauté nationale ;

- langue internationale pour les relations internationales.

Il va de soi qu’un tel moyen de communication éviterait à tous les êtres humains, quels que soient leur rang social, leur niveau intellectuel, leur idéologie et leur origine, l’intolérable ridicule de ne pouvoir s’exprimer librement hors de leurs frontières linguistiques ; il serait le facteur d’un progrès incalculable sur le plan des échanges économiques, techniques, scientifiques, touristiques et pour l’enrichissement culturel des hommes.

Cette solution, grâce à laquelle aucun homme ne se trouverait en situation d’infériorité devant un étranger de quelque pays qu’il soit, aurait enfin l’avantage de mettre un terme à la discrimination linguistique et, par suite, à la compétition dangereuse et coûteuse qui en découle.

La conférence générale de l’U.N.E.S.C.O. a reconnu que les résultats obtenus au moyen de l’Espéranto dans les échanges intellectuels internationaux et pour le rapprochement des peuples correspondent aux buts idéaux de l’U.N.E.S.C.O. ; c’est dire combien ils contribuent à la coopération internationale dans les domaines de l’éducation, de la science et de la culture.

L’Espéranto se présente, de nos jours, après quatre-vingts ans de formation, d’expériences et de traditions, en dépit de deux guerres mondiales, comme la seule langue vivante, fondamentalement internationale, qui soit facile et accessible à tous, logique et claire, parfaitement disponible pour l’expression de valeurs culturelles d’ordre international.

Son introduction dans l’enseignement public a fait l’objet de nombreux voeux exprimés par des membres de l’Institut de France, des savants et des linguistes, des hommes politiques et des enseignants de presque tous les pays du monde.

L’organisation progressive de son enseignement ne dépend plus présentement que d’une décision politique : il vous appartient, Mesdames et Messieurs, de prendre cette décision qui assure à la fois la sauvegarde et le rayonnement des différents patrimoines culturels de l’humanité dans une compréhension et coopération générales de tous les peuples.

N’est-ce pas à la France, dont le rôle humanitaire ne peut être contesté, de donner l’exemple en propageant l’étude d’une langue auxiliaire neutre, tant recherchée depuis des siècles, pour rendre faciles et meilleurs les rapports, à travers le monde, entre les hommes de toutes origines ?

L’admission de la langue internationale Espéranto comme langue à option dans les programmes de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.



PROPOSITION DE LOI

Article premier.

L’étude de la langue internationale nommée « Espéranto » est admise comme matière à option dans les programmes de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur.

Art. 2.

Aux examens de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur, comportant une ou plusieurs épreuves de langues étrangères, la langue internationale « Espéranto » est ajoutée à la liste des langues étrangères sur lesquelles peuvent porter ces épreuves.

Art. 3.

L’enseignement optionnel de l’« Espéranto » se fera progressivement dans les établissements publics d’enseignement de l’Etat ; il aura lieu chaque fois qu’il sera demandé et qu’il existera un professeur compétent.

Art. 4.

Les épreuves d’examen seront introduites, dans les conditions fixées à l’article 2, chaque fois que le jury pourra s’adjoindre un examinateur compétent.

Art. 5.

Pour l’enseignement et pour les examens, les candidats bénéficieront de moyens et d’avantages semblables à ceux accordés aux élèves apprenant des langues étrangères.

Art. 6.

La formation des professeurs sera réalisée, sous la responsabilité des universités, par l’organisation de cours et de stages fonctionnant dans le cadre de l’enseignement supérieur qui délivrera les diplômes témoignant de la compétence des professeurs et examinateurs. La période transitoire sera aménagée par voie réglementaire.

Art. 7.

A titre transitoire, pendant la mise en place, le ministère de l’Education et le ministère des Universités pourront consulter l’organisation privée dénommée « Institut français d’Espéranto », qui, jusqu’à ce jour, délivrait les diplômes.