Un cadeau pour la vie

Publié le mardi 4 décembre 2001 par admin_sat , mis a jour le dimanche 8 août 2004

L’homme qui a défié Babel, c’est Lejzer Ludwik Zamenhof. Né le 15 décembre 1859 dans un pays rayé de la carte, il avait déjà ce défi en tête alors qu’il était enfant.

Adolescent, il y pensait toujours très fort, au point qu’à l’âge de 19 ans, au Lycée Philologique de Varsovie, il présenta une langue de son invention à ses camarades : la "Lingwe Uniwersala".

Elle préfigurait déjà la "Langue Internationale" qu’il allait offrir à l’humanité, à 28 ans, en 1887, sous le pseudonyme "Doktoro Esperanto". D’où le nom sous lequel la langue s’est popularisée à travers le monde.
Une rétrospective sur 114 années d’existence de l’espéranto montre que l’idée à laquelle le jeune Zamenhof avait décidé de consacrer toute sa vie, sans jamais se renier, a inspiré d’autres jeunes qui sont devenus des personnalités éminentes dans divers domaines.

"Zamenhof était un génie"

Le polyglotte précoce que fut Zamenhof n’imaginait sans doute pas que tant de personnages d’une grande valeur humaine se seraient un jour félicités d’avoir rencontré l’espéranto dans leur jeunesse.
Gustav Ramstedt (1873-1950) l’apprit à 18 ans. Il devint un linguiste et philologue de renommée mondiale puis ministre et ambassadeur de Finlande au Japon et en Chine. Il fit des voyages d’exploration en Mongolie et en Chine.

Connu surtout pour son roman "Le Seigneur des Anneaux" le fameux auteur de science-fiction John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) l’apprit autour de ses 15 ans. Il aimait beaucoup lire dans cette langue en faveur de laquelle il s’exprima ainsi en 1932 : "Je conseille à tous ceux qui en ont le temps où l’envie de s’occuper du mouvement pour une langue internationale : soutenez loyalement l’espéranto".

Géza Bárczi (1894-1975) devint le plus éminent linguiste hongrois et membre de l’Académie hongroise des sciences. Il apprit l’espéranto vers ses 20 ans. Il reconnut que sa facilité avait éveillé son intérêt pour les langues et lui avait donné un avantage considérable pour en apprendre d’autres : "L’espéranto nécessite le dixième de l’effort exigé par les autres langues, et comme en général il n’y a que l’étude de la première langue étrangère qui soit difficile, celui-ci ouvre la porte aux autres."

Spéléologue suédois de renommée mondiale, auteur d’une vingtaine d’ouvrages publiés dans une vingtaine de langues (deux rédigés en espéranto), Leander Tell (1895-1980) avait commencé à l’apprendre à 13 ans et il fonda le club d’espéranto de Norrköping.
Autrichien, Eugen Wüster (1898-1977) est devenu un grand nom au sein des organisations internationales de standardisation. Dès 1917, à 19 ans, il publia en espéranto des textes qu’il avait traduits du russe et de l’allemand.

L’espéranto fut ainsi un coup de coeur de l’adolescence pour Linus Pauling (15 ans), Américain, prix Nobel de Chimie 1954 et de la Paix 1962 ; pour le biochimiste japonais Fujio Egami (18 ans) ; le linguiste chinois Ye Laishi (16 ans) ; Carl Støp-Bowitz, membre de l’Acadé-mie des sciences de Norvège (14 ans) ; Eugène Aisberg (14 ans), spécialiste renommé de la radiophonie ; l’écrivain russe germaniste Lev Kopelev (14 ans ; il milita contre le nationalisme au sein de SAT et fut l’un des dissidents les plus connus de l’URSS) ; le premier ministre britannique Harold Wilson qui l’apprit quand il était scout ; Efraïm Kacir, chef de l’État d’Israël, dont le père, comme celui du chanteur français Guy Béart, fut espérantiste ; l’anthropologue Maxime Rodinson, érudit, devenu l’un des plus éminents spécialistes de l’islam et du monde arabe, et qui a dit en 1998 : "Zamenhof était un génie".

Prix Nobel d’Économie 1994, Reinhard Selten, dont le père était espérantiste, confirme aujourd’hui l’intérêt de l’apprentissage précoce de l’espéranto : lui aussi s’est offert ce beau cadeau, tout seul, à 17 ans.