Charente Libre - 27 octobre 2010 - La guerre racontée en espéranto

Charente libre publie le 27 octobre un artivle initulé La guerre racontée en espéranto.

La guerre racontée en espéranto

Présidente de Charente Espéranto, Marie-France Conde-Rey est en train de traduire en français le journal de Pierre Louis, un prisonnier de guerre espérantiste. Une histoire personnelle et collective.

Marie-France Conde-Rey vient de s’attaquer à la troisième partie, dans laquelle Pierre Louis raconte la vie dans un camp en Allemagne.photo Romain Perrocheau

Qui comprendra les mots malliberula babilado ? Les espérantistes qui tomberont sur CL aujourd’hui. Mais aussi les autres qui auront l’occasion de lire la traduction du « Bavardage d’un prisonnier » sur laquelle travaille Marie-France Conde-Rey, présidente de l’association Charente Espéranto.

Un journal pas banal qui raconte la guerre de position, la Débâcle de 1940 et les premiers temps d’une vie de prisonnier en Allemagne... mais en espéranto. Quelque 180 pages écrites entre 1940 et 1942 par Pierre Louis, décédé en 1996. C’est son fils, Jean-Paul Louis, fondateur des Editions du Lérot à Tusson, qui l’a trouvé en vidant la maison, parmi des cartons de livres et de revues espérantistes.

« Enfant, j’ai suivi mes parents de congrès espérantistes en congrès espérantistes, mais je ne parle pas cette langue. Je n’avais jamais entendu parler de ce carnet. Mon père ne parlait pas de cette période de sa vie », avoue Jean-Paul Louis.

« El koncentrejo »

Espérantiste des sections d’extrême-gauche, dans la mouvance internationaliste, Pierre Louis a passé les dernières années de sa vie en Charente, mais est originaire de Nancy, en Lorraine. Tout près de cette frontière qui a explosé sous les coups de l’Allemagne nazie et que ce sous-officier responsable des chevaux a parcourue pour ravitailler les soldats en munitions.

Une carte du calendrier des Postes surlignée permet de suivre son parcours de Maubeuge à la Belgique, pas loin d’Ypres. « La première partie est assez ennuyeuse, avoue Marie-France Conde-Rey qui s’est proposée de traduire l’ouvrage. Les soldats s’ennuient, jouent aux cartes, attendent le ravitaillement. Pierre Louis cherche des espérantistes dans les régions qu’il traverse. A partir de la deuxième partie, ça devient passionnant, c’est la Débâcle, les villages incendiés, l’état-major désorganisé, les soldats et officiers qui partent en ordre dispersé... C’est assez critique. »

L’enseignante à la retraite vient de s’attaquer au dernier tiers du carnet, la vie dans le camp de prisonniers, « El koncentrejo ». Littéralement « camp de concentration ». Un mot qui, avec le recul, n’a aujourd’hui évidemment pas la même signification que pour Pierre Louis à l’époque.

"Un vrai trésor"

Raconté dans une écriture très serrée, penchée, sans aucune rature, ce morceau d’histoire personnelle et collective est ponctué de fleurs séchées collées, de cartes et de dessins, de portraits saisissants de camarades au crayon à papier notamment. « Il échangeait du tabac et de la nourriture contre des portraits », raconte la traductrice.

Une expérience à laquelle Marie-France Conde-Rey, qui travaille pour trois revues espérantistes, littéraire, féministe et d’actualité, est peu habituée. « Les termes militaires comme 23e CR, par exemple, je ne sais pas ce que c’est, surtout que Pierre Louis a écrit sans l’aide d’un dictionnaire. J’ai parfois quelques incertitudes. » N’empêche.

« Ce journal est un vrai trésor. Il y a beaucoup de choses émouvantes et le style est relevé. Pour moi, il mériterait d’être édité. » Jean-Paul Louis, lui, ne voit a priori pas de problème à une éventuelle publication. Comme on dit en espéranto, « Kiu vivos, tiu vidos »... Qui vivra verra.

Une langue née il y a 120 ans

Créé il y a 120 ans par un citoyen juif de Russie, Louis-Lazare Zamenhof, l’espéranto a été fortement combattu par Hitler et Staline pour ce qu’elle est : une langue internationale permettant à des gens de différents pays de se comprendre. « Comme les Juifs ou les homosexuels, des espérantistes sont morts dans les camps », rappelle Marie-France Conde-Rey, présidente de Charente Espéranto.

Ils seraient 2 à 8 millions de locuteurs aujourd’hui dans le monde. Qui utilisent les 28 lettres de l’alphabet latin, dont quelques-unes avec des accents particuliers. Une langue facile d’accès et évolutive qui se veut un trait d’union entre les peuples. « Plus qu’un moyen de communication, c’est une culture, des valeurs qui rassemblent des hommes et des femmes sur des idées philosophiques et sociales, comme les droits de l’homme, l’écologie, ou le fédéralisme. Elle marche bien dans les milieux alternatifs », dit Marie-France Conde-Rey, également présidente de l’association féministe espérantiste et déléguée du Pen International, sorte d’ONU des écrivains regroupés par langue.

Source : http://www.charentelibre.fr/2010/10...

Note de SAT-Amikaro :

Pierre Louis n’est pas un
inconnu du mouvement SAT
/ SAT-Amikaro, au contraire :
il a été l’organisateur d’un
congrès de SAT à Nancy en
1954 qui a réuni près d’un
demi-milier d’espérantistes,
mais surtout, il est connu
comme coauteur et illustrateur
d’une des plus populaires
méthodes d’apprentissage de
l’espéranto au premier degré ;
le Junul-kurso, toujours utilisé,
entre-autres dans nos cours
par correspondance
.