Syndicalisme et communication internationale

Publié le jeudi 14 mai 2009 par Vito

Les problèmes de communication linguistique sont une des principales difficultés que rencontrent les congressistes lors de réunions internationales. L’organisation de congrès ou de conférences nécesstie une armée d’interprètes et de traducteurs pour assurer la traduction simultanée de toutes les langues parlées par les participants.

Ces difficultés, particulièrements sensibles dans les réunions syndicales internationales, avaient été évoquées déjà il y a plus d’une quinzaine d’années dans Le Gutenberg (30.1.1992) :

«  Le recours aux services d’interprétation, déjà excessivement lourd, coûteux et malcommode pour les organismes internationaux (ONU, Unesco, OMC, etc.) se révéle instisfaisant lors des réunions syndicales internationales. Tout militant, intéressé par l’intervention de tel ou tel délégué, ne peut s’adresser à lui sans intermédiaire, par exemple lors des pauses ou des repas. Les relations suivies sont ainsi très limitées. Le courrier reçu dans une langue étrangère exige d’être traduit, de même que la réponse. Toute action coordonnée est ainsi entravée par des tâches purement bureaucratiques. Le budget de l’organisation est lui-même amputé pour réaliser un semblant de communication.  »

Le sociologue Pierre Bourdieu évoquait les obstacles importants existants pour la communication entre syndicats et mouvements sociaux. « Les patrons et les cadres, soulignait-il, parlent les langues étrangères, les syndicalistes et les militants beaucoup moins. De ce fait, l’internationalisation des mouvements sociaux et des syndicats est rendue difficile. »

La voie anglaise : une impasse

Tous les systèmes proposés à ce jour pour pallier ces inconvénients ne sont que des pis-aller. Le recours à l’anglais, prétendument langue internationale, n’est pas une solution satisfaisante. Selon Claude Piron, ancien professeur de langues et traducteur à l’ONU et à l’OMS, « l’anglais est une des langues les moins adaptées qui soient aux exigences de la communication internationale ». De plus, cette langue restera toujours un langage rudimentaire pour la majeure partie de cuex qui ont sacrifié de longues années à son étude. Ils seront toujours, dans les discussions, les débats, en état d’infériorité, par rapport aux anglophones de naissance. Dans les congrès de spécialistes, soit le délégué est compétent mais maîtrise mal l’anglais et a du mal à se faire comprendre, soit il a une excellente connaissance de la langue mais manque de compétence dans le sujet à traiter. Dans un cas commme dans l’autre, la communication ne peut être que de piètre qualité.

D’autre part,on rencontre de plus en plus fréquemment, dans la presse, des annonces offrant des postes aux seules personnes de langue maternelle anglaise. Dès lors, on peut se demander quelle est l’utilité de consacrer plusieurs années à apprendre l’anglais si, au bout du compte, cet effort n’offre aucun débouché à qui n’est pas anglophone de naissance.

En obligeant les écoliers à apprendre une langue étrangère (on devine laquelle) avant même d’avoir acquis les notions élémentaires du français, les institutions scolaires contribuent à une détérioration de la langue maternelle. Et le système, pour produire quelques milliers de techniciens et de cadres, fabrique des par centaines de mille des bredouilleurs d’anglais, ou plutôt d’« améranglais ».

Une solution simple, efficace... mais dédaignée

Pourtant, la solution existe... là, à portée de main. Dans un rapport récent (2005) M. François Grin, professeur d’économie à l’Ecole de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève, arrivait à la conclusion suivante : « L’espéranto doit être pris en considérationdans la recherche d’une solution équitable, économique et efficace au problème de la communication linguistique internationale. »

Alors qu’une bonne maîtrise de l’anglais exige de longues années d’études, au détriment d’autres matières no moins essentielles, l’espéranto, chef-d’oeuvre de logique et de simplicité, permet une bonne maîtrise à partir de cent cinquante heures d’étude seulement. C’est ce que confirmait même un anglophone, l’écrivain américain Upton Sinclair : « Permettez-moi de dire que beaucoup d’années sont nécessairesrien que pour apprendre à lire l’anglais ou le français, l’allemand ou le russe ; mais une personne n’ayant qu’une instruction moyenne peut comprendre l’espéranto après trois ou quatre semaines. »

Cette langue, plus facile, plus logique, plus riche et plus précise que n’importe quelle autre langue au monde, est aussi la mieux adaptée à la communication internationale. N’étant la langue d’aucune puissance hégémonique, elle a de plus l’avantage dêtre neutre et, par conséquent, de mettre tous les partenaires sur un pied d’égalité.

Chaque année, des centaines d’associations internationales espérantistes se réunissent en congrès. Elles rassemblent des délégués de fédérations aussi diverses que possible : juristes, médecins, scientifiques, religieux, scouts, philatélistes, musiciens, enseignants, cheminots, etc. Toutes ces assemblées se déroulent sans traducteurs ni interprètes et sans nécessiter l’installation d’un appareillage coûteux. La seule langue de travail est l’espéranto.

Regrettable constatation : l’absence d’association syndicale espérantiste. En dépit des immenses services que pourrait rendre au syndicalisme international l’usage généralisé de l’espéranto, cette solution est dédaignée. Pourtant, il y a un peu plus d’un siècle, au congès d’Amiens (10 octobre 1906) la Confédération Générale du Travail (CGT) s’était montrée favorable au projet espérantiste en votant à l’unanimité une motion appelant à « l’étude, la pratique et l’extension de la langue internationale espéranto » en raison des « éminents services qu’elle est appelée à rendre à la classe ouvrière organisée nationalement et internationalement ».

En dépit de ses incontestables qualités, l’espéranto est dédaigné par les instances syndicales. Très peu de journaux syndicaux ont jusqu’alors eu le courage (ou la lucidité) d’aborder ce problème. Au point que ce présent article n’a pu trouver de place dans notre organe syndical romand. Le syndicalisme serait-il résigné à se soumettre sans réaction au tout-anglais ?

De nos jours, où les contacts internationaux revêtent de plus en plus d’importance, c’est la solution la plus logique et la plus économique qui, paradoxalement, obtient le moins de suffrage. Tou recours à l’espéranto est le plus souvent rejeté d’office sur la base d’arguments stupides et d’une consternante ignorance. Comme l’avait justement constaté Einstein : « il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome. »

André Panchaud
Article paru en espagnol dans la revue ’periodico CNT’ (http://cnt-ait.tv/v/periodicocnt/) pour sa rubrique "espéranto".