Absolutisme

Publié le mercredi 21 novembre 2007

... Voici un moment, j’ai cité une phrase du Manifeste Communiste et montré son aspect erroné. Mais dans le même ouvrage, sur la même page, Marx dit aussi : “Une action [du prolétariat], au moins des pays civilisés, est l’une des premières conditions à son émancipation.“ Je suis entièrement d’accord en cela. Et la bonne recommandation “Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !“ résonne dans toutes les oreilles.

Mais pourquoi donc cette union si nécessaire et recommandée n’a pas eu lieu ? À mon avis, elle n’a pas eu lieu du fait que l’absolutisme domine les esprits et parce qu’il manquait une langue commune. Dans ces conditions, il était impossible d’atteindre l’unité d’action. Il est absurde de recommander l’union aux hommes s’ils ne peuvent pas se comprendre, s’ils ne peuvent pas lire les mêmes journaux, étudier les mêmes livres et discuter entre eux sans aide de traducteurs et d’interprètes.

Si l’on est d’accord sur cela, il s’ensuit que notre mouvement linguistique mondial ne doit pas être considéré comme une chose accessoire, futile, dilettante. Au contraire, il doit être à la base même de toute action pour unifier le prolétariat à l’échelle mondiale.

Et je ne crains pas d’affirmer, que l’inattention à la question linguistique du côté de la majorité de dirigeants des organisations ouvrières est l’une des causes pour lesquelles les travailleurs n’ont pas acquis un état d’esprit approprié, conforme au but, qui permettrait une union réelle, non fictive, au-dessus des frontières.

Loin de moi, cependant, l’avis que l’espéranto soit la panacée universelle ; qu’il suffirait de s’en emparer pour que la paix et le bien-être règnent dans le monde.
Mais, au moins les anciens adhérents de SAT, qui ont durablement et intentionnellement pratiqué notre langue, savent très bien par expérience qu’il n’existe pas de moyen plus adéquat pour se libérer du nationalisme. Il est dangereux de ne pas avoir conscience de ses sentiments intimes. C’est l’expérience que l’on a pu avoir en 1914. Avant l’explosion de la guerre, de nombreux travailleurs manifestaient au son de l’Internationale ; mais dès les premiers roulements du tambour, l’hymne national est devenu pour eux le plus cher. Et je crois fermement que la prochaine guerre aura lieu d’une manière tout à fait identique. Je ne serais même pas étonné si les prolétaires d’Union soviétique, au son de l’Internationale, qui est là-bas un hymne national !, et les prolétaires français, au nom de la Marseillaise, qui est aussi un hymne révolutionnaire, seraient d’accord pour participer en alliance contre l’Allemagne. Les gouvernants et les dirigeants ouvriers trouveront facilement, comme en 1914, des justificatifs pour une telle participation.

Sur les premiers prospectus produits voici treize ans par SAT se trouvent les phrases que voici, et qui me semblent toujours vraies et actuelles :
La société idéale ne proviendra pas toute prête de la révolution que certains se représentent comme une panacée“. “Il est donc nécessaire de s’exercer au devoir de citoyen du monde, en supprimant de soi-même les aspects nationalistes immatures que l’État, l’éducation nationale ont mis dans nos têtes et nos coeurs.“...