Eurobabel : l’Union éclatée ?

Publié le jeudi 15 août 2002 , mis a jour le vendredi 26 octobre 2007

La démocratie est menacée

Lorsque la Communauté Européenne avait neuf langues officielles, alors que 3 150 000 mots étaient traduits chaque jour, chaque mot traduit de l’une d’elles vers les huit autres coûtait 2 francs français (= 0,30 €. The European, 20-22.12.1991).

Le passage du nombre de langues de 9 à 11, au 1er janvier
1995, avait déjà entraîné une augmentation de 40% du budget
de la traduction. Les cabines des interprètes occupaient 45% des salles de travail. Au moment du passage de 15 à 20 langues, au 1er mai 2004, il engloutissait déjà 30% du budget du Parlement européen. Chacune des 5 langues ajoutées a augmenté la facture de 25 millions d’euros.

Le nombre de combinaisons possibles, donc d’interprètes
nécessaires pour l’interprétation simultanée, s’obtient par la multiplication du nombre de langues en présence par le nombre de langues vers lesquelles chacune d’elles doit être traduite, par exemple, 9x8, 10x9, etc., même s’il n’y a qu’un seul intervenant pour chacune des langues. En conséquence, il faut 72 interprètes pour 9 langues, 210 pour 15, 380 pour 20.

Même effectuée dans les meilleures conditions, l’interprétation altère inévitablement le discours original et accroît les risques d’erreur. Même la traduction. Ainsi, la première édition du traité de Maastricht a dû être détruite en 1992 parce que le contenu différait d’une version linguistique à l’autre.

Traduction pour 20 langues

Les limites et l’absurdité d’un procédé aussi complexe, malcommode, inadéquat, dispendieux, apparaissent tout de suite. Ce système ne peut déboucher que sur l’alourdissement de la bureaucratie avec tout ce que cela sous-entend comme retombées négatives. Là où un citoyen ou un élu ne peut comprendre et se faire comprendre dans une langue qu’il maîtrise, il ne peut y avoir de démocratie.

D’où la nécessité d’une langue commune dont la maîtrise peut être rapide, mais surtout d’une langue qui n’impose pas la culture et la façon de voir de quelque puissance que ce soit, doncune langue neutre qui donne le sentiment d’appartenance à une entité indépendante et non assujettie.

EN Anglais DE Allemand NL Néerlandais
DA Danois SV Suédois FI Finnois
GR Grec PT Portugais ES Espagnol
IT Italien FR Français

“Time is money”

Imaginons un jeu dont la règle établie par celui qui le proposerait, puis l’imposerait, serait : “L’effort, c’est pour vous.

Le fruit de votre effort, le profit, c’est pour moi !”
Dans le rapport 1987-88 du British Council, son directeur
avait pu écrire : “Le véritable or noir de la Grande-Bretagne est non point le pétrole de la Mer du Nord, mais la langue anglaise. Le défi que nous affrontons est de l’exploiter pleinement”.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce jeu marche fort bien, et ceci depuis fort longtemps. Cet or noir, c’est en fait la niaiserie de l’innombrable quantité de gens qui se sont pâmés d’admiration face à une puissance qui s’est édifiée à leurs dépens et qui les subjugue aujourd’hui, de gens qui n’ont rien compris à l’enjeu linguistique et à la nécessité d’une langue neutre telle que l’était le latin, mais plus accessible pour tous les peuples. C’est ce que propose l’espéranto, conçu pour jouer le rôle de langue internationale.

Sans réciprocité, des milliards d’heures, ce qui représente
un coût et un effort astronomiques, sont dilapidées à travers le monde pour apprendre la langue de ceux qui mènent le jeu, et ceci pour déboucher finalement sur l’assujettissement !

L’avenir de toute une jeunesse est ainsi hypothéqué. Le temps et les moyens humains, matériels et financiers manquent pour toutes les autres matières, pour l’instruction civique, pour la recherche. La dictature de la langue du plus fort se met en place. Une telle situation ne se réalise pas sans complicités.

Il est urgent d’exiger un droit de regard sur la politique linguistique dans l’Union européenne et dans le monde.

Oser en parler, oser le parler

Nous devons enfin avoir une langue commune pour l’utilisation internationale et, aussi séduisante que puisse paraître l’idée de choisir pour cette langue internationale l’une de celles qui sont déjà parlées par des centaines de millions d’hommes, je suis malgré tout convaincu qu’une langue neutre telle que l’espéranto — devant laquelle tous les hommes se trouvent égaux en droits — est préférable.

Willem DREES (1886-1988). Ancien premier ministre des
Pays-Bas et artisan du relèvement de ce pays à partir de 1947, Willem Dress parlait couramment l’espéranto.

Lorsqu’on me demande si la Langue Internationale est assez
précise, assez riche en nuances pour fonctionner comme langue diplomatique, je n’hésite pas. Il existe des traductions excellentes et très précises de quelques traités, déclarations et résolutions, et même des rapports officiels sur les activités des Nations Unies. Il y a des diplomates qui utilisent constamment la langue. J’ai conversé et échangé des correspondances avec quelques ambassadeurs, consuls généraux et conseillers.

Ralph Lindsay HARRY (1917-2002). Ex-ambassadeur
d’Australie en divers pays et à l’ONU, lors d’une conférence présentée en espéranto à Bruxelles en 1968.

Bien que la vie internationale devienne toujours plus intense, le monde officiel perpétue les vieilles et inadéquates méthodes de compréhension linguistique. Il est vrai que la technique moderne contribue à faciliter la tâche des interprètes professionnels lors des congrès, mais rien de plus. Leurs moyens techniques sont des jouets inadaptés par rapport à la tâche d’ampleur mondiale à accomplir, c’est-à-dire surmonter les barrières entre les peuples, entre des millions d’hommes.

Franz JONAS (1899-1974), président de la république
d’Autriche de 1965 à 1974, lors d’un discours prononcé en espéranto, en 1970, à Vienne.

L’enseignement et la diffusion de l’espéranto aident ensemble à une meilleure compréhension entre les peuples, à l’accroissement de la communication entre les jeunes de divers pays, à leur éducation dans l’esprit de l’internationalisme, dans l’esprit de compréhension et d’estime des autres cultures.

Ferdinand EISEN (1914-2000). Ex-ministre de l’éducation
d’Estonie (de 1960 à 1980). Réfractaire à la domination soviétique, il pratiquait l’espéranto dont il permit l’enseignement.

Aujourd’hui Devant l’urgente nécessité d’exiger un droit de regard sur la politique linguistique dans l’Union européenne (et dans le monde), l’espéranto entre pour la première fois dans le débat aux élections européennes de 2004 avec la liste Europe- Démocratie-Espéranto parrainée par les professeurs Albert Jacquard et Edgar Morin : <www.e-d-e.org> ; ...

L’avis d’europarlementaires anglophones

Phillip Whitehead, Labour / PSE (GB) :
"Ce que je peux dire à propos de l’espéranto, c’est que c’est un moyen d’échange qui sera de plus en plus nécessaire au sein de l’Union Européenne, lorsque nous passerons à un système avec 15 ou 20 langues, toutes également estimées. Alors nous devrons étudier les exigences d’un véritable moyen de communication international non discriminatoire. C’est pour cette raison que je soutiens la promotion de l’espéranto."

Hugh Kerr, Labour / PSE (GB) :
"En principe, je suis favorable à l’espéranto, bien que je craigne qu’il ne passe encore de nombreuses années avant que la Commission européenne ne soit prête à envisager des lois pour son usage. Il y a évidemment un groupe de pression pour l’usage de l’anglais comme une sorte d’espéranto moderne." [1]

Prof. Ken Coates, Labour / PSE (GB) :
"L’élargissement de l’Union Européenne engendre de graves problèmes de traduction et d’interprétation. Il était déjà difficile de travailler avec 9 langues. Augmenter le nombre des membres ne peut qu’augmenter les problèmes de la communication. Pour cette raison, je souhaite que vos efforts pour promouvoir une langue supranationale soient couronnés de succès."

Tony Cunningham, Labour / PSE (GB) :
"Je confirme que je soutiens l’emploi de l’espéranto dans l’Union Européenne."

Patricia McKenna, Green Party / Verts (Irlande) :
"Faites savoir que je soutiendrai une politique pour l’introduction de l’espéranto au Parlement Européen."

Mark Killilea, Fianna Fáil Party / RDE (Irlande) :
"Je suis fort intéressé par les détails sur l’espéranto que vous m’avez envoyés ; il me serait très agréable d’apporter tout le soutien possible à une résolution qui demanderait une plus grande reconnaissance de cette langue."

Gerard Cox, NP/RDE (Irlande) :
"Je suis heureux d’examiner la question de l’espéranto et je ferai mon possible pour vous aider."

Avis d’europarlementaires francophones

Pierre Bernard-Reymond, UDF-CDS / PPE (France) :
"A plusieurs reprises j’ai eu l’occasion d’indiquer les dispositions favorables dont je suis animé à l’égard de l’espéranto. Toutefois, la langue n’est pas simplement un instrument de communication, mais elle fait partie de la culture profonde de chaque peuple. Je pense qu’il serait intéressant de demander aux linguistes, aux psychologues et sociologues, de faire une étude très scientifique sur la nature des obstacles à lever pour permettre le développement de cette langue."

Jean-Pierre Bebear, UDF-PR / PPE (France) :
"Je suis très attentif depuis de nombreuses années à la grave question de la multiplicité des langues au sein de l’Union Européenne. Je suis, quant à moi, tout à fait favorable à une étude sérieuse concernant l’espéranto en vue d’une utilisation plus large dans tous les domaines de la vie européenne. Je suis convaincu, qu’une fois clairement établi le coût, l’espéranto par son caractère neutre peut permettre de jouer efficacement le rôle de dénominateur commun entre Européens."

Georges de Brémond d’Ars, UDE-Clubs P.& R. / PPE (FR) :
"Du fait des élargissements déjà réalisés et des élargissements futurs, la multiplicité des langues pratiquées au sein de l’Union Européenne pose et posera de plus en plus de problèmes. Toute solution consistant à sélectionner quelques langues de travail se heurte à de telles résistances qu’elle n’est guère envisageable. Dès lors une solution neutre, telle que le recours à l’espéranto, doit être sérieusement étudiée."

Jean-François Hory, ER / ARE (France) :
"Je suis favorable à la diversité linguistique, non seulement au profit des langues étatiques de l’Union, mais également pour les langues minoritaires à l’intérieur des états. Au-delà de cette diversité, l’espéranto peut constituer une langue de coopération, fonctionnelle et non impériale."

Gisèle Moreau, PCF / GUE (France) :
"La proposition de loi déposée par notre groupe confirme tout l’intérêt que le PCF et ses élus attachent à l’enseignement de l’espéranto à l’heure où les échanges internationaux se multiplient avec, en dominance quasi exclusive, la langue anglaise imposée par la pression américaine."

Fernand Herman, PSC / PSE (Belgique) :
"Avec l’élargissement programmé à 25 états membres, le problème des langues est en train de devenir un véritable casse-tête insoluble. C’est pourquoi les chances de l’espéranto s’améliorent à mesure que nos difficultés augmentent."

José Happart, PS / PSE (Belgique) :
"L’espéranto devrait être un moyen efficace de communication entre les peuples de la Future Europe . Dans tous les domaines, une langue neutre, logique et fonctionnelle serait un atout appréciable pour l’Europe. Il serait toutefois souhaitable que son apprentissage soit adopté dès le début de l’enseignement primaire. Estimant que l’espéranto est la solution aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, vous pouvez compter sur mon appui total pour le défendre."

Prise de conscience

"L’ex-ministre italien Renato Ruggiero, qui fut pendant près de six ans l’une des éminences grises de la politique communautaire, vient de se livrer à des savants calculs. L’entrée des pays de l’AELE créerait une communauté à 18, l’élargissement vers l’Europe centrale et méditerranéenne (avec également les ex-Yougoslaves et les Baltes) à 33, avec 19 langues supplémentaires Un cauchemar !"
"Francesco Cerri, Journal de Genève / Gazette de Lausanne. 2 avril 1992

"La question linguistique ne fait pas l’objet de grands débats dans les instances communautaires, et pourtant elle constitue sans doute l’une des bombes à retardement les plus dangereuses pour la construction européenne. Car ce qui était valable à six, à neuf, voire à douze, devient un véritable casse-tête au-delà."
Bernard Cassen, Le Monde Diplomatique . Février 1993

"Une journée d’interprètes pour 11 langues coûte 120 000 francs. Aucune salle, à l’heure actuelle, n’est conçue pour accueillir plus de 9 cabines. Et l’on n’a toujours pas trouvé d’interprète du finnois vers le grec."
Jean-Michel Dumetz,
L’Express . 16 février 1995

"Tous les candidats sont d’accord pour dire qu’ il faut élargir l’Europe , mais savent-ils quel casse-tête est déjà cette Europe à quinze avec ses onze langues officielles. On risque un problème institutionnel majeur à terme. Par exemple, savez-vous que pour qu’un texte communautaire ait valeur juridique il faut qu’il soit traduit et disponible dans les onze langues de la Communauté ? Comme on manque en ce moment d’interprètes en finnois et en suédois, aucun texte ne peut entrer en vigueur."
Catherine Nay, Valeurs Actuelles . 15 avril 1995

"A l’heure actuelle, avec onze langues, les cabines et la régie occupent déjà 45% des salles de travail. De plus, le marché des interprètes n’est pas assez riche. On ne trouve plus, paraît-il, d’interprètes pour les langues les moins parlées. Comme le finnois ou le suédois. Enfin l’enveloppe budgétaire nécessaire (40% d’augmentation cette année) commence à faire tousser . Et ce n’est en fait que le début du processus, puisque l’élargissement est en marche Certains dans la maison commencent à penser que le système va exploser et qu’il ne sera plus possible pour chaque parlementaire d’écouter et parler dans sa langue."
Sud-Ouest Dimanche . 26 novembre 1995